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Les critiques de Bifrost

Le Filet d'Indra

Juan Miguel AGUILERA
L'ATALANTE
384pp - 22,50 €

Critique parue en juillet 2010 dans Bifrost n° 59

Après quelques années d’absence, voici donc Juan Miguel Aguilera de retour dans nos librairies, et ce chez un nouvel éditeur : l’Atalante (qui succède au Diable Vauvert, chez qui l’auteur avait fait ses premiers pas par chez-nous).

Le Filet d’Indra commence plutôt bien, d’une manière qui n’est pas sans évoquer Stephen Baxter. Une géode de deux kilomètres de diamètre est découverte, enchâssée dans les granits du plateau laurentien, au Canada ; des roches de deux milliards d’années, parmi les plus vieilles de la croûte terrestre. Jim Conrad, colonel du renseignement scientifique des USA, recrute son ex-femme, Laura, une physicienne, ainsi que son assistant, Neko, génie de service. Et les voilà parti pour une base secrète perdue au beau milieu du Nunavut…

Les physiciens ne tardent pas à comprendre que la géode contient une singularité, un trou noir — tarte à la crème de la S-F actuelle. Ils mettent alors en garde le colonel sur le danger apocalyptique à ouvrir la géode : libérer la singularité, c’est courir le risque qu’elle gobe la Terre. Malheureusement, un changement politique menace le Canada, qui dès lors pourrait quitter l’OTAN. Or, il n’est pas question pour les Etats-Unis d’abandonner ce mystérieux artefact qui constitue une potentielle arme absolue. Jim Conrad reçoit l’ordre d’ouvrir la géode, mais un sabotage fout le bordel : toute la base se retrouve prisonnière d’un champ de force à l’intérieur duquel la température chute vers le zéro absolu. Traverser la singularité reste désormais l’unique échappatoire offerte au colonel et à son groupe… Ainsi arrive-t-on à la page 180 — presque la moitié du roman. Les survivants se voient projetés 230 millions d’années dans l’avenir. Les 100 pages suivantes manquent de rythme autant que de tension et laissent apparaître des failles dans l’intrigue — un long passage qui n’est pas sans rappeler la série télé Stargate, d’ailleurs citée dans le texte —, et ce jusqu’à ce que le groupe parvienne sur une terre tropicale peuplée d’étranges bestioles. L’une d’elles est blessée puis capturée, mais le spécimen se meurt et, ce faisant, libère un parasite à l’air bien méchant qui infecte aussitôt Neko. Ici est enfin révélée l’identité du traître ayant informé la presse canadienne, saboté l’ouverture de la géode et pratiqué quelques menus assassinats — révélation faite par Neko alors que tout ce petit monde se trouve aux mains de créatures qui n’auraient nullement déparé au Pays de la nuit de William Hope Hodgson, des monstres qui ont entraîné une partie des humains à travers la singularité jusqu’à leur lointaine époque où le soleil s’est transformé en géante rouge. Une révélation qui va en amener bien d’autres sur la géode, un certain parasite et le monde de la fin des temps…

Le Filet d’Indra trouvera sa place dans les bibliothèques de science-fiction au côté de La Pluie du siècle d’Alastair Reynolds, et surtout de Darwinia de Robert Charles Wilson pour la proximité thématique. La lecture est fluide, agréable, certes, mais on reste loin d’un chef-d’œuvre. Sans être rédhibitoire, trop d’éléments ne se justifient pas, ne s’expliquent pas, n’apportent rien, rallongent la sauce sans raison. Quoique plaisant, ce roman, construit à la va-comme-je-te-pousse, ne restera malheureusement qu’un second choix. N’est pas (le meilleur) Baxter qui veut.

Jean-Pierre LION

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