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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 2013 dans Bifrost n° 71

En cette année de disgrâce 1633, durant le règne de Louis XIII qui apparaît comme un monarque falot, Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu, veille sur le devenir de la France. Intriguant, calculateur mais âme droite dévouée à sa nation, le cardinal mène dans l’ombre des négociations politiques avec le royaume d’Espagne. Pour ne pas mettre en péril ces délicates tractations, Richelieu accepte d’honorer une demande non officielle de l’ambassadeur castillan. Une mission des plus difficiles, qui ne pourrait être menée à bien que par Etienne La Fargue et ses Lames, organisation d’exception n’ayant de compte à rendre qu’au prélat. Las, depuis l’échec du siège de la Rochelle, devenue république protestante, les Lames ont été dispersées et chacun de ses membres voué à l’opprobre. Il y a eu un mort et un traître. Rancune, nostalgie ou raison d’Etat, les mobiles ne manqueront pourtant pas pour précipiter à nouveau La Fargue et les siens dans l’action, comme l’on plonge une rapière en plein cœur.

S’il est en France une tradition du récit d’aventures, c’est bien celle du roman de cape et d’épée. Celle des Alexandre Dumas, Théophile Gauthier ou Michel Zévaco. Pierre Pevel s’inscrit dans la continuité directe de ses illustres prédécesseurs avec un bonheur complet. Car tout y est ! Félons, complots forcément « ourdis », reîtres, fille de salle au corsage à large encolure, l’auteur a le talent de nous restituer les images obligées qui ont fait la fortune du genre, en ayant l’intelligence de ne pas tomber dans le cynisme postmoderniste.

Pevel éprouve un respect qui n’a rien de servile pour ce genre, l’aime et parvient à réveiller chez le lecteur cette affection. On goûte les moments d’anthologie — le combat de Leprat dans l’auberge (p. 100 sq) ; l’attaque de Saint-Lucq contre les corbins (p. 171 sq). On se réjouit des apparitions d’Athos ou de Rochefort, meilleurs ennemis unis pour la bonne cause. Tout cela a la fraîcheur et la spontanéité des romans feuilletons ou des films avec Jean Marais. La vicomtesse de Malicorne finit peu ou prou comme Milady la marquise de Merteuil, Almadès le bretteur andalou porte beau, Ballardieu le colosse et Marciac le Gascon évoquent d’immortels mousquetaires…

Le tout s’appuie sur une documentation sans faille et un apport de merveilleux, pour l’essentiel l’existence de dragons déclinés en trois variétés. Dont un petit spécimen qui ici prend la place du chat dans l’affection de Richelieu. Sans compter la ranse, terrible maladie qui frappe les humains trop longtemps exposés au contact des reptiles. Le tout soigneusement rangé comme corps de mousquetaires à la parade, sous une magnifique (double) couverture d’Hervé Leblan.

Pevel joue sans faute sa partition, reprend à son compte une part attendue du livret : « Aubergiste ! Du vin pour le chevalier et moi. Et du meilleur ! » La pièce est à ce point bonne que l’on en redemande. Fort heureusement, il ne s’agit que du premier des trois actes. Les Lames du Cardinal est ce qui s’est écrit de mieux en récit de cape et d’épée français ces dix dernières années. Mordious !

Xavier MAUMÉJEAN

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