L’année dernière, peu de temps après les fêtes, paraissait Le Dernier loup-garou, roman séminal, dans toutes les acceptions du terme, où Glen Duncan se livrait à une interprétation personnelle du mythe de la lycanthropie, impulsant à ce lieu commun du fantastique une forte dose d’ironie et de sexe. À l’époque, on avait beaucoup apprécié le résultat, mais le dénouement en forme de cliffhanger nous avait laissé quelque peu sur notre faim. Avec ce deuxième titre, on reprend presque les mêmes, et on recommence…
Jake étant mort, il revient à Talulla d’assurer la survie de l’espèce, une tâche pour laquelle elle ne manifeste dans l’absolu guère d’intérêt. Enceinte jusqu’aux crocs, elle porte l’enfant de Jake et l’avenir du genre lupin dans son ventre. Une bien sombre perspective aux yeux des chasseurs les plus fanatiques de l’Organisation Mondiale pour la Prédation des Phénomènes Occultes. Réfugiée en Alaska, en compagnie de son familier Cloquet, elle espère y donner jour à son enfant dans la clandestinité. Las, les menaces viennent frapper à sa porte. À l’OMPPO et aux cinquante familles, vampires imbus de leur pouvoir et de leur richesse, s’ajoute désormais une secte attendant la venue d’un messie vampirique. Bien sûr, il ne manque plus à ses membres qu’un loup-garou à sacrifier pour exaucer leur rêve de vie éternelle sous le soleil. Faute d’adultes, ils se contenteront de la progéniture lupine de Talulla.
Avec ce deuxième épisode de sa saga fantastique, Glen Duncan recycle les recettes éprouvées de son précédent roman, optant juste pour un nouveau point de vue. La survie de Talulla et de sa descendance devient ainsi l’enjeu central, et même si la pulsion du lukos, le baisetuemange lunatique, domine Talulla, l’amour, sous toutes ses déclinaisons, semble le véritable moteur de l’intrigue. Jake était le grand ancien, philosophe désabusé, volontiers cynique, s’apercevant au dernier moment qu’il avait un cœur et des raisons de vivre. Talulla apparaît comme une novice, découvrant dans le feu de l’action sa nature bestiale et la maternité. À bien des égards, elle manifeste beaucoup plus d’empathie, bien qu’elle s’en défende, envers le genre humain. Une faiblesse dont elle découvre l’étendue au contact de ses proches, de sa progéniture et même de l’ennemi ancestral, le vampire. Débarrassée du virus empêchant la transmission de la Malédiction, elle explore de nouvelles voies pour recréer une meute, tentant d’établir un modus vivendi avec sa nature bestiale.
À l’instar du Dernier loup-garou, Glen Duncan déroule une intrigue linéaire émaillée de révélations et de coups de théâtre. À un rythme apte à achever un sénateur, il entremêle de longues séquences d’introspection, teintée de doute, de réflexions sur la maternité, l’amour et la bestialité, avec des scènes d’action où il ne nous épargne rien des démembrements, éviscérations et autres décapitations perpétrés par Tallula et sa meute. Chemin faisant, l’auteur lorgne sans vergogne du côté du thriller. Sur ce point, il faut avouer qu’il se montre efficace, nous conviant à un véritable festival digne du cinéma de genre, où abondent transfuges, organisations secrètes et grands méchants dans la plus pure tradition du stéréotype.
Bref, même si tout ceci ne prête guère à conséquence, on se situe toujours dans le haut du panier en matière de divertissement. Alors pourquoi se priver d’un plaisir régressif ? Rendez-vous donc l’année prochaine pour le troisième volet, By Blood We Live. On en jubile à l’avance…