La Nouvelle Alice
(2010)
ou Les Bonheurs de l’impertinence
Un beau dimanche de juin, peu après son retour d’outre-miroir, Alice fut invitée chez son oncle Donatien-Alphonse, marquis de S., qui venait d’acquérir dans le Cheshire un manoir entouré de sulfureux ombrages. Sous les dorures de la salle à manger, entre des tapisseries figurant les ébats des satyres et des nymphes, un délicieux repas lui fut servi : une terrine de lapereau Attila, un agneau tendre comme une fossette de bébé, un apple-pie Messaline nappé d’un coulis si parfumé qu’elle en reprit trois fois. Presque aussitôt, pourtant, elle sentit que la tête lui tournait et demanda que l’on ouvrît un peu la fenêtre.
« Le déjeuner est fini, observa son oncle. Jusqu’à l’heure du thé, tu peux t’amuser à ta guise… Moi, je vais m’accorder une petite sieste. »
Là-dessus, il gravit l’escalier de marbre qui menait à sa chambre, suivi par un robuste garde-chasse et deux servantes d’une figure exquise.
« C’est singulier ! songea Alice. Pourquoi lui faut-il tant de monde pour une simple sieste ? »
À vrai dire, elle était un peu déçue de se voir ainsi abandonnée. Mais, en petite fille bien élevée, elle garda ses réflexions pour elle. Puis, ayant cherché un instant comment égayer son après-midi, elle se prit à frapper joyeusement dans ses mains.
Extrait du livre Forêts secrètes.