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Joëlle WINTREBERT

Romancière, nouvelliste, journaliste, critique, anthologiste, scénariste, traductrice à l’occasion, voilà l’oiseau côté plume. Côté ramage, la passion du futur est le choc de ses dix-huit ans. Elle attendra quelques années avant d’oser vocaliser l’avenir à son tour. À l’orée des années 90, nouvelle gamme. L’aventure du roman historique. Une autre façon de chanter la révolte, d’explorer ces thèmes de la résistance, de l’Autre, du double, de l’identité sexuelle, du corps instrumentalisé, qui sont la chair marquée de ses livres. Les années 2000 la voient s’envoler vers de nouveaux espaces, de ceux que l’on dit border lines, quand le récit oscille entre onirisme, réalisme et fantastique. Elle vient d’en clore la première décennie avec un voyage dans le temps, la publication d’une œuvre de jeunesse, longtemps endormie, textes et photos réalisés avec Henri Lehalle, L’Amie-nuit. Des prix ? Quelques-uns : Rosny aîné 1980, 1988 et 2003, Grand Prix de la SF française 1989, Amerigo Vespucci 1993, Trophée Chêne 1995, Bob Morane 2010…

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Architectes du vertige

Paolo Bacigalupi, Terry Bisson, Jean-Claude Dunyach, Greg Egan, Yves Frémion, Laurent Genefort, Nancy Kress, Sylvie Lainé, Wildy Petoud, Lisa Tuttle… … sont les Architectes du vertige.

Cinquante années de Grand Prix de l’Imaginaire.
Dix textes sélectionnés parmi les lauréats du plus prestigieux des prix littéraires dédiés à la science-fiction, au fantastique et à la fantasy. Dix récits du vertige et de l’émerveillement.
Une anthologie anniversaire au faîte d’un monument.

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Architectes du vertige

Paolo Bacigalupi, Terry Bisson, Jean-Claude Dunyach, Greg Egan, Yves Frémion, Laurent Genefort, Nancy Kress, Sylvie Lainé, Wildy Petoud, Lisa Tuttle… … sont les Architectes du vertige.

Cinquante années de Grand Prix de l’Imaginaire.
Dix textes sélectionnés parmi les lauréats du plus prestigieux des prix littéraires dédiés à la science-fiction, au fantastique et à la fantasy. Dix récits du vertige et de l’émerveillement.
Une anthologie anniversaire au faîte d’un monument.

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Galaxiales

Les Galaxiales, l'intégrale

Dix-neuf nouvelles publiées en l’espace de quinze ans. Soit la première histoire du futur jamais écrite en langue française : une plongée vertigineuse de deux millénaires qui révolutionne l’histoire de la science-fiction hexagonale.
Un projet demeuré inachevé. Qui trouve ici, enfin, sa complétude, sous la plume d’un quorum d’auteurs à jamais marqués par Les Galaxiales : Jacques Barbéri, Ugo Bellagamba, Olivier Bérenval, Richard Canal, Jean-Jacques Girardot, Christian Léourier, Colin Marchika, Dominique Warfa, Joëlle Wintrebert.

Traducteur du Dune de Frank Herbert ou de 2001 : l’odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke, rédacteur en chef de la revue Galaxie, éditeur, Michel Demuth (1939-2006) est l’une des grandes figures tutélaires de la science-fiction française. Les Galaxiales, saluées par le Grand Prix de l’Imaginaire en 1977, représentent son chef-d’œuvre.

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Forêts secrètes

Prix Masterton 2004

 

II y a ce serpent monstrueux qui, la nuit, visite les enfants et les terrorise. Il y a la solitude marine de Mérélune, le meurtre et ses atours de travesti. Il y a Alice et ses impertinences, Peter Paon et sa fidèle Crochette, nés d'une coquille d'imprimerie et qui mettront le monde à feu et à sang. Il y a les démons et merveilles, la cruelle poésie de Berthelot, son univers hors du temps au cœur de ses forêts secrètes.

 

« Berthelot en magicien des marges, convoquant le viol, le crime, la souffrance, les amours déçues ou déchues, mortelles ou perverties, l'errance ou la folie, le chaos des cœurs et des âmes, l'hésitation sexuelle, la transgression punie par une mutation des corps, l'art associé à la déviance, l'intolérance face à toute différence, comme autant de thèmes qui tissent toute son œuvre, cette œuvre que portent des héros maintenus en permanence sur le fil dangereux de l'équilibriste, entre leur attirance pour l'obscure ivresse de la chute et le désir d'un envol vers une rédemption solaire. » Joëlle Wintrebert

 

Francis Berthelot est né à Paris en 1946.

 

Polytechnicien, docteur en biologie moléculaire, chercheur au CNRS dans les domaines de la théorie littéraire, il a obtenu le Grand Prix de l'Imaginaire à quatre reprises et, fait unique, dans quatre catégories différentes — dont celle du meilleur roman pour Rivage des intouchables, chez Gallimard « Folio SF ».

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Cendres

Réfugiée dans ma case. Porte et volet fermés. Les ténèbres rabattues sur moi comme une chape protectrice. Je vous préviens, commandant, mon humeur est funèbre. Les hommes ! Votre rire résonne encore à mon oreille. » Vous avez peur de ces arriérées ? Elles ne s’apercevront de rien, je vous l’assure. »

Votre morgue n’a d’égale que votre infirmité à comprendre l’autre moitié de l’humanité ! Ces « arriérées » vous ont damé le pion, commandant. Il fallait réfléchir davantage à ce nom qu’elles ont donné à leur planète : « Cendres »… Vouer le passé aux flammes, ce n’est pas l’oublier.

Elles ont su tout de suite que le cristal greffé entre mes sourcils n’était pas un bijou scintillant. Vous serez sans doute déconfit d’apprendre qu’elles n’ont pas eu besoin d’exciser l’émetteur pour le neutraliser. Et guère plus heureux d’avoir trouvé ici matière à confirmer vos guerrières paroles : « Ça passe ou ça casse ! » Je vous ai détesté quand vous avez refusé de me fournir un autre système de com, mais elles l’auraient détecté : elles m’ont scanné entièrement. Elles ont extirpé l’enregistreur implanté dans mon bridge, et m’ont dit aussitôt, désinvoltes : « C’est l’affaire d’une heure, simple curiosité. Ensuite, on te le rend, puisqu’il ne permet pas d’émission à distance. » Je regrette que vous ayez manqué ce spectacle d’un ennemi à qui on a par négligence abandonné des armes et qui s’en réjouit. Je vous avais prévenu : si nous acceptons leurs consignes, pas d’infraction. Vous ne m’avez pas écoutée.

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Pur esprit

A quoi se raccrocher, dans le néant ? Lourèn Aditi n’est que pleurs, elle essaie d’imaginer la sensation des larmes sur ses joues, le nœud des sanglots qui étrangle sa gorge, mais elle n’a plus de joues ni de gorge.

Il lui semble entendre sa voix gémir : « Dieux de miséricorde, réveillez-moi de ce cauchemar. »

Sa voix, à l’intérieur d’elle-même.

Mais elle sait bien qu’il n’y a plus ni intérieur ni extérieur, qu’elle est désormais sans cris, qu’elle ne pourra pas appeler au secours, ni marteler la porte d’une prison matérielle, ni tambouriner jusqu’à l’arrivée d’un geôlier excédé.

Il m’a mise en réserve, se dit-elle, terrifiée. Il n’a tué que mon corps. Je suis sûre qu’il se sent à peine coupable. Qu’est-ce qu’un corps, sinon un amas de chairs reproductibles à l’infini ?

Peut-on survivre réduit à sa mémoire ? se demande Lourèn Aditi qui corrige aussitôt : ce n’est pas ma mémoire, non. Juste une copie. Kish Nergal, tu m’as bien assassinée, corps et âme. As-tu conscience d’être un meurtrier ?

Oui. Oh ! oui. « Ne m’oblige pas à te tuer », n’est-ce pas ce que tu disais ?

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Hydra

Hellas touche ses yeux, incrédule, terrifié de les trouver aussi secs que le corps de Lyse. Penché sur sa femme, il la fixe de ses yeux secs jusqu’à ce qu’ils le brûlent. Il voudrait pleurer, pleurer encore, arroser de ses larmes les seins, les épaules, le visage flétris de son amour perdu, mais il demeure immobile, courbé comme une pietà de plâtre, stérile, tari.

J’ai peur.

Le goût du sang vient sur sa langue et il s’aperçoit que ses dents ont scellé ses lèvres. Il n’a plus de bouche. Il ne veut plus avoir de bouche. Il doit réfréner les cris qui montent en lui. Il les mord avant qu’ils ne sortent.

Tais-toi, tais-toi, ou tu embrasseras la révolte et l’horrible folie te prendra, comme elle a déjà pris tes amis.

Il est vain de menacer le dieu impie qui vole toute l’eau de leurs femmes.

Dieu d’eau. Qui donne la vie, la mort et la folie.

Lyse, ne me laisse pas seul sur la rive, seul devant l’Autre, tout seul à décider de vivre ou de mourir.

Il soulève le corps dont il a tant aimé la souplesse et qui n’est plus que brindilles cassantes. Les bras de Lyse se ferment sur sa taille, ses yeux engloutis le fixent, sa bouche craquelée s’ouvre et, au fond de la cavité obscure, il voit la langue de sa femme bouger tel un animal prisonnier.

Deux mots chuintent, forcés contre le palais asséché :

« Emmène-moi. »

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La Déesse noire et le diable blond

[Tu m’as tué.]

Les mots crépitent, s’estompent, reviennent, leitmotive obsédant.

[Tu m’as tué.]

 

Va-t’en, sale rêve ! Dégage ! Je dors ! Je dors ! Je dors ?

Ses bras, ses jambes, serrés, groupés. Position du fœtus. Autour d’elle, la douceur des draps entortillés. Tirer un pan de leur cocon jusqu’au crâne. Réfugiée. Protégée.

 

[Tu m’as tué.]

Ses mains se plaquent à ses oreilles. Impuissantes. La phrase accusatrice revient et cette fois se poursuit.

[Tu m’as tué, Andria Diou Del Logo. Sors de ce sommeil insupportable ! J’ai soif de tes sens. Je veux ta vie.]

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Avatar

Je la regarde. Elle est mon temple, et ma source, et l’autel de mon sacrifice. Je la regarde et mon ventre se tord et me brûle. J’ignorais avant de la trouver que l’amour c’était aussi la douleur.

Elle dort, mais jusque dans le sommeil elle ne connaît pas le repos. Ses membres ont le mouvement lent d’un grand poisson des profondeurs dans le sombre océan de nos draps bleu de Chine.

Elle est si blanche. Je tremble à l’idée de la perdre. Je rêve souvent que son corps tombe en cendres entre mes doigts. Elle boit mon cri sur ma bouche et me berce. Je suis forte, me dit-elle. J’ai survécu. Et maintenant, tu es là : rien ne peut plus m’arriver.

Elle dit cela, et ses yeux sont froids et solides, et je détourne mon regard. Je voudrais la croire. Natassia, ma survivante. Natassia, au nom d’emprunt choisi pour les faux papiers qui ont sauvegardé sa fuite. Natassia qui assure : je n’ai plus de nom. Ma vieille identité est restée là-bas, au Kazakhstan, avec mon sang et mes larmes.

Je regarde courir sur sa peau les serpents de nacre des cicatrices et je pleure, honteux de mon insistance, de ma volonté de tout savoir d’elle, jusqu’aux sévices passés. Je voudrais connaître l’identité de ses bourreaux, les traquer, puis les marquer un à un, comme ils ont marqué tant de petites filles, en promenant longtemps sur elles un fer rougi au feu.

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La Journée de la guerre

« Non ! Je vous en supplie, pas elle ! »

Murmure. Il n’a plus de cris. Trop de douleur. Sa voix s’est cassée. Dans sa bouche, le goût du sang, âcre, rouillé.

Le grand sans oreilles se penche sur lui. C’est le pire : il affecte d’être gentil. Il secoue toujours la tête d’un air affligé quand ses acolytes torturent.

« Pas elle ? dit sa voix douce. D’accord. Mais tu nous dois des réponses. »

Idris s’agite dans ses liens. À quoi bon répéter pour la millième fois qu’il ne sait rien, qu’il ignore jusqu’au sens de leurs questions. Il répète, pourtant. De sa voix qui s’est cassée. Son chuchotement a la force d’un cri.

Peine perdue. Ils se sont mis à trois. Devant lui, ils la violent. Sa fille, sa Leïda, son bébé, la chair de sa chair. Onze ans à peine.

Il voudrait être aveugle. Il voudrait être sourd. Il voudrait être mort. Jamais avant ce jour il n’avait imaginé la mort comme une délivrance. La fin de ce qui n’est pas supportable. Est-il lâche de souhaiter le néant ?

 

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