[Chronique de l'édition anglaise parue chez Doubleday en 1996]
Réjouissons-nous car il semble que Flammarion soit décidé à nous faire découvrir l'intégrale de Jeff Noon. Automated Alice, le troisième roman de ce jeune auteur, nous entraîne à la poursuite d'une petite fille bien connue qui, après avoir voyagé au Pays des merveilles et être passée À travers le miroir se retrouve projetée dans le futur, à Manchester en 1998.
La petite Alice, de visite chez sa tante Ermintrude, s'ennuie. Elle a pour seuls compagnons de jeu sa poupée Celia, un puzzle du zoo de Londres auquel il manque des pièces et Whippoorwill, un perroquet facétieux et désobéissant.
Lorsque Whippoorwill s'enfuit, Alice part à sa recherche, comme jadis à la poursuite d'un curieux lapin. Elle est une fois encore projetée dans un monde étrange et plein de surprises. Les habitants de Manchester sont mi-hommes mi-animaux et ils se déplacent sur des chevaux mécaniques. Une horde de serpents fait régner la terreur sur la ville et Alice ne peut compter que sur l'aide d'une, jumelle mécanique : sa poupée Celia devenue une petite fille de porcelaine.
Alice va-t-elle pouvoir récupérer Whippoorwill et retrouver son époque et la maison de sa tante à temps pour sa leçon de grammaire ? Va-t-elle découvrir à quoi sert une ellipse et comment expliquer à sa tante la disparition de Celia qui choisit de rester en 1998 ?
Automated Alice est l'hommage le plus flagrant rendu par Jeff Noon à un auteur, Lewis Carroll, qui inspire toute son œuvre. C'est une transcription des préoccupations de Noon dans le monde onirique et le style parsemé de jeux de mots et de non-sens de Carroll. C'est le reflet joyeux des ambiances sombres du reste de l'oeuvre de Noon. Les animaux doués de parole d'Automated Alice sont une traduction dans le langage de l'enfance des hommes-animaux de Pollen. La recherche du rêve est ici un parcours poétique.
L'auteur profite également de sa visite dans l'univers de Lewis Carroll pour y apporter sa contribution. Il ajoute à la double nature d'Alice (Alice Liddell, la vraie Alice, et Alice au pays des merveilles, l'Alice imaginaire) une troisième personnalité, Celia Hobart, l'Alice noonesque dont le prénom est l'anagramme de son modèle et qui n'est ni réelle ni imaginaire, mais entre les deux.
Jeff Noon poursuit sa quête du rêve en version conte de fée et Automated Alice est une bouffée d'air frais, une gourmandise.