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Les critiques de Bifrost

Aux ombres d'Abyme

Mathieu GABORIT
MNÉMOS
254pp -

Critique parue en février 1997 dans Bifrost n° 4

 

« Le Palais est devant moi,. Sur les greniers qui constituent le socle de l'édifice, on dénombre une multitude de tourelles, de campaniles et de beffrois construits à l'intention des oiseaux qui les recouvrent comme une chape de plumes. Aucune ne bouge encore, Il faudra qu'une fenêtre s'ouvre pour que cette marée piaillante se désagrège et devienne un immense ballet multicolore, Mais la particularité de ce Palais tient surtout à la fiente des volatiles qui s'est accumulé d'année en année au point de faire disparaître l'architecture d'origine. Comme un moule gigantesque… »

Mathieu Gaborit avait signé le premier récit publié par les éditions Mnémos une sombre histoire d'aspirant-poète forcé de séjourner dans une école ensorcelée où l'on vous formait pour devenir une éminence grise démoniaque (Souffre-jour). Bien qu'empreint d'une ambiance indéniable, le résultat n'était pas toujours convainquant. Trois romans plus tard, le style de Gaborit s'est profondément décanté et affirmé : intrigue bien menée, atmosphère superbe, mise en scène remarquable, émotion réelle et on ne peut que remercier l'éditeur d'avoir non seulement donné sa chance à un jeune auteur, mais en plus d'avoir persisté.

Aux ombres d'Abyme est un roman de Fantasy baroque dans toute les acceptations du terme : nous voilà invité à un festival de la décadence et de la surenchère, de la bizarrerie grotesque et du tragique à travers la cité d'Abyme et ses habitants. Maspalio est un farfadet, ex prince-voleur reconverti dans la conjuration de démons. Un délégué des enfers le force par le jeu de dettes accumulées, à se lancer à la recherche d'un serviteur de l'enfer qui, a su, par un moyen inconnu, échapper à ses liens. L'enquête lui coûtera cher, très cher, à lui et à d'autres.

Le récit est rempli d'images qui marquent (l'ogre qu'escalade l'Advocatus Diaboli pour compulser ses archives harnachées au dos du monstre, un exemple parmi quantité d'autres), de surprises distordues (la duchesse de Boldia). Les lois de la démonologie et des pactes soutiennent l'intrigue sans fléchir, non sans une certaine poésie, un certain romantisme noir. On regrettera simplement un peu le coup de théâtre final, auquel nous ne sommes pas vraiment préparé durant toute la première partie du roman — à la manière une enquête de Sherlock Holmes, où, de toute manière, Conan Doyle nous cache les détails sur lesquels nous aurions pu avancer l'hypothèse gagnante.

Pourtant Aux ombres… demeure indiscutablement à recommander, un roman qui restera probablement dans la mémoire de ses lecteurs.

David SICÉ

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