Andrew WEINER
LE BÉLIAL'
128pp - 10,53 €
Critique parue en janvier 1998 dans Bifrost n° 7
Après Joël Champetier et son Cœur de Fer, c'est à une autre découverte que nous convie la collection « Bifrost / Étoiles Vives » : celle d'Andrew Weiner, auteur lui aussi canadien mais, à l'encontre de Champetier, pour sa part anglophone. La filiation entre ces deux bouquins ne s'arrête pas à la nationalité des auteurs, puisqu'Envahisseurs ! nous propose également un choix de nouvelles : cinq textes, dont quatre inédits — « L'homme qui avait de la chance » étant préalablement paru dans le numéro 406 de la défunte et regrettée Fiction, quoique sous une autre traduction (renseignement pris dans la très complète bibliographie de Weiner en clôture du présent petit bouquin).
S'il fallait nous hasarder à résumer Envahisseurs ! en une formule générique, « entre ombre et lumière » conviendrait parfaitement. En effet, l'ouvrage se présente comme une succession de textes soit franchement humoristiques, soit passablement angoissant (ce qui n'exclut pas que les nouvelles plutôt amusantes ne soient, à l'occasion, déstabilisantes). Ainsi, dans cette première catégorie inclurons-nous « Les envahisseurs », « L'homme qui avait de la chance » et « Le groupe venu de la planète Zoom ». Globalement, ces trois textes sont les moins percutants. Attention toutefois ! Que ces nouvelles soient les moins enthousiasmantes ne signifie pas, loin s'en faut, qu'elles soient dépourvues d'intérêt. A l'image de « Les envahisseurs », par exemple, une courte nouvelle qui nous narre l'histoire d'un pauvre gars environné d'une flopée de petits hommes verts qu'il est le seul à voir, Un texte au canevas presque éculé et qui pourtant s'impose comme une véritable petite merveille de drôlerie. Quant à « L'homme qui avait de la chance » et « Le groupe venu de la planète Zoom », si ces nouvelles n'ont pas la noire truculence du texte d'ouverture, leur thème (la bonne fortune et ses revers pour l'une, le rock et plus largement la création artistique pour l'autre), tout comme leur traitement valent néanmoins le détour.
Restent « Des nouvelles de D. Street » et « Flux », (titres provisoires ?) les deux nouvelles s'intercalant entre ces textes, les deux plus longues du recueil, les plus abouties aussi. Le registre est différent, la manière tout autant. Ici Weiner prend toute sa mesure, celle d'un auteur véritablement accompli. Les personnages sont fouillés, les réflexions poussées (dans « Flux », tout particulièrement, où la crise économique que nos sociétés connaissent depuis des lustres et dont on nous annonce la fin depuis à peu près autant de temps, prend un tour étonnant). Ces deux textes sont proprement terrifiants et magistralement menés.
Bref et en définitive, Envahisseurs ! est un bon, un très bon recueil, l'occasion de découvrir un nouvel auteur anglophone dans des traductions plus que satisfaisantes, le tout sur fond d'extraterrestres omniprésents tout au fil des pages. Une bien belle surprise en réalité.