Gilles DUMAY, G. David NORDLEY, Alain SPRAUEL, Pat MURPHY, Thomas DAY, Jean-Jacques NGUYEN
LE BÉLIAL'
160pp - 10,52 €
Critique parue en décembre 1998 dans Bifrost n° 11
Au début des années 70, la collection « Galaxie-Bis », sous couvert de numéros spéciaux de la revue, proposait des romans de SF accompagnés en fin de volume d'une, parfois deux nouvelles. Qui n'avaient rien à voir avec le roman, mais fournissaient l'occasion d'agréables découvertes.
Il serait exagéré de dire que la nouvelle formule d'Étoiles Vives reproduit ce schéma, mais force est de constater que, avec la place que prennent désormais les « dossiers » consacrés à l'auteur-vedette de chaque numéro, les nouvelles additionnelles prennent désormais le statut d'appendice.
Mais pas sans intérêt. Dans ce numéro, Pat Murphy avec « De l'Amour et du sexe chez les invertébrés » nous donne une nouvelle variation sur l'éclosion d'un esthétisme désaxé dans un futur post-cataclysmique. Quand plus rien n'a de sens, le sexe conserve ses droits — pas de prétention à la rationnalité, mais du potentiel poétique.
Les notations sexuelles, par contre, sont introduites avec quelque gratuité dans « L'ultime territoire » de Jean-Jacques Nguyen et Thomas Day (pas vraiment de l'auto-publication de la part de Dumay/Day : le texte avait été accepté par CyberDreams, pour un numéro qui ne verra pas le jour). Ou alors, la ligne narrative de Naï, symbole sensuel, n'a pas le temps de se développer ; le sujet de l'histoire aurait pu être celui d'un roman. J'aurais aimé, en tout cas, voir appronfondir la personnalité perverse et fascinante de Van Hungen, l'astronef tueur automatisé ; j'ai beaucoup aimé les évocations astronomiques ; et beaucoup moins l'aspect mystique de l'intervention des maîtres secrets de la Galaxie.
G. David Nordley, enfin, se taille ici la part du lion. Auteur-phare de la revue Analog, il est dans le droit fil de Heinlein : comme de nombreux américains de l'école hard science, il postule un futur où le système solaire est colonisé et les astéroïdes exploités pour leurs minerais. Il est spécifiquement heinleinien quand il présente ce futur au travers des avanies de la vie quotidienne, et plus particulièrement du groupe familial nécessairement uni par l'adversité des « Compagnons de la Comète ». Ici, la sanction (involontaire) au manque de solidarité, c'est la mort dans l'espace… « Dans la grande faille de Miranda », enfin, est un de ces textes que, dans le paysage SF actuel en France, seule Étoiles Vives peut publier : c'est dans un genre très américain et pas à la mode, c'est très long, l'auteur n'est pas connu ! Félicitations donc à l'anthologiste, car ce récit est une perle : piégés par un séisme à l'intérieur de Miranda, un satellite d'Uranus mal consolidé, fait de bric et de broc, des explorateurs spatiaux doivent traverser le planétoïde entier pour survivre. Et le conteur arrive à nous tenir en haleine avec des pages de chimie et de spéléologie. Chapeau ! Et clin d'oeil brillant au Jules Verne du Voyage au Centre de la Terre.