Connexion

Les critiques de Bifrost

Fiction - tome 4

Fiction - tome 4

Alexander IRVINE, Frédéric JACCAUD, Esther M. FRIESNER, Delia SHERMAN, Laurent HERROU, Martin GARDNER, Thierry SMOLDEREN, Laurent QUEYSSI, Ashley WOOD, Rhys HUGHES, Steven UTLEY, James STODDARD, Xavier MAUMÉJEAN, Alexis SEGARRA, Sabrina CALVO, Jeffrey
LES MOUTONS ÉLECTRIQUES
336pp - 23,00 €

Bifrost n° 45

Critique parue en janvier 2007 dans Bifrost n° 45

Ce numéro 4 de Fiction, aurait quasiment pu être sous-titré « Spécial Mœbius » tant Jean Giraud, son œuvre, Métal Hurlant et la BD en général sont à l'honneur : couverture, article, interview, illustrations, textes-hommages, et même réédition de la nouvelle d'où Mœbius a sans doute tiré son pseudonyme : « L'homme non latéral » de Martin Gardner.

Côté fictions, tout commence avec « Les Golems de Detroit » d'Alex Irvine, un texte court qui se rattache à son étonnant roman de fantasy et d'histoire secrète de la Seconde guerre mondiale The Narrows ; souvent qualifié de « Tim Powers du pauvre » par la critique américaine, Alex Irvine vaut plus que son surnom et cette nouvelle sans tension réelle ; d'ailleurs, on s'en convaincra en lisant son premier roman Le Soleil du Nouveau Monde (signé Alexander C. Irvine), dans la collection « Rendez-vous d'ailleurs », une belle fantasy américaine dont l'ambiance rappelle celle du film Gangs of New York, mais avec des sacrifices aztèques en cadeau bonus (cf. ci-avant la critique de Xavier Mauméjean). Suit une nouvelle de notre collaborateur suisse Frédéric « Galactus » Jaccaud, qui montre qu'il a une belle plume, mais que pour le moment il ne sait guère comment s'en servir. Après Jaccaud, Esther Friesner nous fait une délicieuse blague babylonienne et anticléricale, puis Delia Sherman livre probablement le meilleur texte de ce Fiction « Miss Carstairs et le triton », le triton en question étant une sirène mâle (donc un ondin, si je ne me trompe pas… problème de traduction ?). On passera vite sur « Les peluches » de Laurent Herrou, hommage sans intérêt, inutile pour tout dire, au Lunar Park de Bret Easton Ellis, pour découvrir, médusé, l'excellente nouvelle de Martin Gardner « L'homme non latéral », datant de 1951 et qui se trouvait au sommaire du numéro 42 (mai 1957) du Fiction historique. Et le feu d'artifice ne fait que commencer, puisque parmi les bonnes et excellentes nouvelles de ce numéro on citera « Terre promise » de Steven Utley, un de ses célèbres contes siluriens (que je soupçonne néanmoins d'être incompréhensible pour ceux qui ne connaissent pas les bases de ce corpus pour le moins particulier) ; « La Veillée d'astres » de James Stoddard, magnifique fantasy initiatique évoquant L'Ombre du bourreau de Gene Wolfe ; « Notre-dame d'Heinsenberg » de Xavier Mauméjean, nouvelle obscure et ultra-ambitieuse où s'embrassent guerre civile espagnole, poétique de la destinée et principe d'incertitude d'Heisenberg, un texte qui, au final, évoque les nouvelles spéculatives les plus réussies de Ian Watson et certains textes « artistiques » de J. G. Ballard — difficile d'accès, comme toute foire aux atrocités, mais passionnant. Le clou du numéro (avec Delia Sherman, déjà citée) est sans aucun doute la nouvelle de Jeffrey Ford « L'auteur de fantasy et son assistante », qui est probablement le plus beau texte jamais écrit sur Glandar, et son créateur Ashmolean… Comment, vous n'avez jamais lu Ashmolean ? Jetez-vous sans attendre sur Le pourfendeur de spectres de Kreegenvale, à côté duquel Conan c'est de la pisse de marmotte coupée au Champomy, croyez-moi sur parole.

Seule véritable déception en ce qui me concerne : le texte « Le Cosmos de cristal » de Rhys Hugues, qui est le plus long de ce Fiction n°4 et, pour mes goûts, de loin le plus ennuyeux, ce que n'arrange pas une traduction éminemment suspecte (qui, mauvais point, s'ajoute à la traduction foireuse de la nouvelle de Steven Utley). On peut néanmoins supposer que les passionnés d'astronomie et de cosmogonie trouveront de l'intérêt à cet hommage bizarre à Ian Watson (encore !).

Au final, une livraison qui démarre lentement mais finit par se révéler exceptionnelle, à condition d'aimer la BD et les nouvelles humanistes et contemplatives, car c'est sur cette branche de la littérature que sautillent James Stoddard, Jeffrey Ford et Delia Sherman. Une fois encore, on attendra jusqu'à la fin, en vain, le texte méchant, cynique, qui arrache tout sur son passage. Et on rappellera à André-François Ruaud et à ses joyeux coéquipiers de Fiction qu'Albert E. Cowdrey publie de formidables nouvelles coup de poing dans The Magazine of Fantasy & Science fiction.

Thomas DAY

Ça vient de paraître

La Maison des Jeux, l'intégrale

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 116
PayPlug