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Les critiques de Bifrost

Fleurs de dragon

Jérôme NOIREZ
J'AI LU
256pp - 6,90 €

Critique parue en juillet 2008 dans Bifrost n° 51

« Japon, 1489. Dans un pays sombrant dans le chaos des guerres civiles, l'enquêteur Ryôsaku est chargé par le shôgun de pourchasser de mystérieux assassins prenant pour cibles des samouraïs. En compagnie de Kaoru, Keiji et Sôzô, trois adolescents maîtrisant l'art du sabre, mais hantés par un passé douloureux, il traque sans merci ces tueurs insaisissables. Armé de son seul marteau à sagesse, Ryôsaku devra éviter à ses compagnons de tomber dans des pièges aussi nombreux que pervers et affronter l'essence même du mystère. » Extrait du quatrième de couverture.

Voilà pour l'histoire. N'en disons pas plus.

Quant à la critique, peut-être faudrait-il, avant d'y plonger, remonter aux sources les plus vives de ces Fleurs de dragon, c'est-à-dire parler du chanbara (ou chambara), un genre théâtral et cinématographique typiquement japonais, codifié, qui est, en un sens, l'équivalent de nos bons vieux films de cape et d'épée.

C'est sans doute du côté d'Akira Kurosawa que Jérôme Noirez est allé chercher la tonalité tantôt sombre, tantôt enjouée de son roman, le Kurosawa de Yojimbo, Sanjuro, Les Sept samouraïs, évidemment, et La Forteresse cachée — films qui se distinguent par leur mélange de comédie, d'humanité et de flambées de violence (souvent très ramassées, les combats au katana ne durent que chez Quentin Tarantino). Et c'est sans doute du côté de Yasuzo Masumura et Yoshio Inoue (le diptyque Hanzo the razor) que Noirez a trouvé son personnage principal, Ryôsaku, bien que ces deux œuvres cinématographiques ne soient guère « jeunesse ».

Il y a donc de l'hommage dans ce livre — la scène dans les sables évoque La femme des sables d'Abé Kôbô — , mais il y a surtout une enquête qui, bientôt, se sépare en deux comme la langue du serpent. Et des personnages fort bien troussés (y compris les enfants, ce qui n'a rien d'évident). Le livre n'est pas sans défaut : la narration au présent se relâche de temps à autre (gisements de verbes être et avoir, forme passive lourdingue, description plate), le narration omnisciente donne parfois, notamment lors des scènes d'action, une impression d'éparpillement. Mais au final on se régale à lire cette enquête tissée de croyances, saupoudrée d'un fantastique d'autant plus percutant qu'il est léger, chevillé au corps même de la vie. Voilà un bon exemple de littérature jeunesse jubilatoire, un livre qui plane mille lieues au-dessus de ses défauts — et c'est aussi en cela que Jérôme Noirez est grand.

Thomas DAY

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