Andreas ESCHBACH
L'ATALANTE
597pp - 24,00 €
Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23
Bet Hamesh, Israël, de nos jours. Stephen Foxx possède une conception pour le moins personnelle des vacances réussies. Membre de la très respectable Explorer's Society de New York, il a choisi cette année de se joindre à un chantier archéologique en plein désert. Accroupi huit heures par jour à déblayer de la terre sous une chaleur étouffante, il sue sang et eau dans l'espoir de déterrer céramiques et ossements. Il est loin de se douter qu'il va bientôt faire une découverte susceptible de bouleverser l'histoire du monde. C'est dans une tombe banale, à quelques centimètres des restes d'un habitant de la Palestine du début de notre ère, qu'il exhume la notice d'un caméscope Sony qui, la datation au radiocarbone le confirmera, a effectivement deux mille ans. Mais si un voyageur du temps est bien retourné à l'époque du Christ pour le filmer, où a-t-il caché sa caméra ? Une folle course-poursuite s'engage dès lors entre Foxx et John Kaun, le richissime milliardaire américain dont l'argent finançait les fouilles, et qui voit dans toute cette affaire l'occasion d'un immense coup médiatique.
On l'aura compris, l'intrigue de Jésus vidéo évoque avant tout une sorte d'Indiana Jones contemporain, même si le traitement qu'en propose Andreas Eschbach doit en réalité autant au thriller qu'au roman d'aventure. La mayonnaise monte d'ailleurs assez bien : le croisement des genres produit un récit fertile en rebondissements. Car Foxx, ses alliés et ses ennemis, ne ménagent guère leurs efforts, obnubilés qu'ils sont par l'idée de mettre la main sur cette relique technologique. Une intrigue rocambolesque qu'Eschbach choisit d'équilibrer par une documentation solide et un soucis quasi-obsessionnel du détail. Cette approche, à défaut de produire du réalisme, vaporise sur l'ensemble un vernis de vraisemblance plus que bienvenu. Faut-il pour autant crier au chef-d'œuvre, comme on l'a fait pour Des Milliards de tapis de cheveux, son premier roman ? Certainement pas. Faut-il le conseiller à tout prix aux monomaniaques de la S-F ? Même pas sûr, car le voyage dans le temps n'est ici qu'un instrument, dont la seule présence ne saurait suffire à inscrire totalement le livre dans le genre. Non, Jésus vidéo est décidément un hybride, dont la première qualité demeure le suspense. Non pas que l'on s'attache particulièrement au devenir des personnages, dont la psychologie n'est finalement qu'à peine esquissée, mais parce qu'Eschbach fait montre d'une habileté consommée dès lors qu'il s'agit de tenir ses lecteurs en haleine. Jésus vidéo est de ces romans que l'on a du mal à reposer, tant on veut en connaître la fin. À vrai dire, c'est précisément ce qui m'est arrivé, et ce n'est déjà pas si courant…