Arthur C. CLARKE, Michael P. KUBE-MCDOWELL
LE ROCHER
432pp - 21,30 €
Critique parue en avril 2002 dans Bifrost n° 26
Poursuivant des recherches sur l'anti-gravité dans le laboratoire de Karl Brohier, prix Nobel de physique, Jeffrey Horton, Gordon Greene et Leigh Thayer tombent sur une découverte destinée à bouleverser le monde : une onde qui enflamme les composés de nitrate. Quand tout ce qui contient de la poudre est susceptible d'exploser entre les mains de qui pénètre dans son champ d'action, on imagine sans peine les conséquences d'une telle invention...
Très vite, la perspective d'un désarmement mondial se profile. Et tout aussi rapidement, on s'interroge : est-il vraiment souhaitable ? Les pays ayant assuré leur domination technologique se retrouveraient démunies face à un ennemi, certes armé d'arbalètes, mais bien supérieur en nombre. Et le problème va au-delà de cet aspect géopolitique : il devient désormais possible de désarmer les truands, ou encore de rendre à nouveau cultivables les terrains minés à travers le monde. À condition de s'armer de bonne volonté car, on l'imagine sans peine, les opposants à la découverte ne manquent pas. Le lobby des vendeurs d'armes à feu, très actif aux USA, n'est pas le seul à hurler à la trahison : les militaires, qui mettraient au rencard leurs joujoux sophistiqués et perdaient leurs crédits de recherche, tentent également de manipuler le président Breland pour l'empêcher d'offrir la « Détente » au reste du monde... Un président américain, ancien joueur de base-ball, aussi charismatique qu'intègre, qui est bien le plus improbable des nombreux personnages de ce roman, une manière de Kennedy en version améliorée. Il gagnera néanmoins en crédibilité quand, sous la pression des conseillers politiques et militaires, il déviera sensiblement de son projet initial. Quant aux inventeurs, ils sont priés de rendre le champ d'action directionnel, ce qui permettrait de jouer sur les deux tableaux : conserver les armes à feu ET la « Détente »...
Le récit développe avec une précision quasi clinique les événements qui accompagnent cette découverte, depuis les expériences menées en secret jusqu'aux premières utilisations, à des fins éthiques ou humanitaires en premier lieu, militaires ensuite. Le livre n'est pas dénué d'humour, ni de références à l'œuvre de Clarke, probablement glissées par un Kube-McDowell ayant sans nul doute rédigé le roman sous la direction du « maître ». Le suspense demeure cependant constant : si les scènes d'action sont rares, les échanges de points de vue rendent passionnante la lecture de ce roman qui met le doigt où ça fait mal et fait désespérer de la nature humaine.
On attend la suite avec, sinon de l'impatience, pour le moins de l'intérêt.