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Les critiques de Bifrost

La Mâchoire du dragon

G. Elton RANNE
FLEUVE NOIR

Critique parue en novembre 1996 dans Bifrost n° 3

 

« – Nous sommes bientôt arrivés, chuchota Lætitia. Trois pas, un coude du couloir.

Et l'abîme s'ouvrit devant eux. Alex eut d'abord la vision d'un immense ciel noir,  énorme, dévorant, percé d'étoiles.

Puis du vide sans fin sous ses pieds, avec loin, très loin en face, un mur métallique courbe strié de lignes et de miroirs.

Puis il vit une forme blanche immaculée, au fond de l'abîme, avançant lentement vers l'obscurité. »

Décidément une rentrée S-F exceptionnelle que celle qui voit aujourd'hui, avec la nouvelle collection « Polar SF » au Fleuve Noir, les auteurs francophones s'arracher de la gravité écrasante du roman d'anticipation classique à la française (tout dans le style, rien dans l'intrigue j'exagère un brin, quoique…), rivaliser avec les auteurs anglo-saxons, voire même en dépasser un bon nombre. Le fait que les auteurs de La mâchoire du dragon (deux regroupés sous un pseudonyme) — et le directeur de collection, Jean-Claude Malle, si je ne m'abuse — soient en fait des traducteurs des fameuses séries monothématiques qui ont envahi encore très récemment nos librairies (Star Trek, Royaumes Oubliés, Shadowrun) explique peu être la nouveauté de leur approche.

Alex Green, tout jeune inspecteur frais émoulu de l'académie de Police découvre la pratique en prenant la tête d'une petite équipe au cours d'un enquête sur la défenestration d'un extraterrestre nommé John Lennon. En 2341 (peut-être un petit peu trop loin dans le futur, non ?) la Terre a en effet été contactée par la Fédération Galactique — et soigneusement tenu à l'écart : reléguée comme planète touristique et interdite de technologie interstellaire. Bref, un pays tiers-mondiste d'aujourd'hui, niveau de vie mis à part. Trois races extraterrestres sont installées sur la planète. Les Shivas à quatre bras et aux yeux globuleux, des touristes impénitents profitant du cours ridicule du dollar vis à vis des monnaies galactiques pour tout acheter ; les Echidnédésius, surnommés « ratons » et qui font, quant à eux, de petites affaires sur place, montant des superettes, important des produits galactiques ; les Hittites, à l'apparence humaine, qui régissent les rapports diplomatiques de la Terre avec la Galaxie.

L'enquête de l'inspecteur Green est bien ficelée, émaillée de détails prospectifs sonnant juste (les realvir, emprunté au Cyberpunk, le télétravail appliqué à la police, etc.), le tout laissant une impression durable chez le lecteur. Aucun doute, c'est du bon. Longue vie, donc, et constance à G. Elton Ranne, c'est tout le mal qu'on puisse lui souhaiter.

David SICÉ

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