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Les critiques de Bifrost

La Mort blanche

La Mort blanche

Frank HERBERT
LIVRE DE POCHE
704pp - 8,60 €

Bifrost n° 63

Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63

Témoin d’un attentat de l’IRA dans lequel il a perdu femme et enfants, John O’Neill est inconsolable. Rapidement son désespoir se transforme en une colère sans limite. Il décide de se venger des trois pays qu’il considère comme impliqués dans l’attentat : l’Irlande de ses ancêtres, évidemment, l’Angleterre et la Libye. Génial chercheur en biologie moléculaire, pharmacien, il vend tous ses biens, change d’identité et installe un laboratoire de fortune dans la banlieue de Seattle. Là, il met au point une arme bactériologique effrayante : la peste blanche, qui ne tue que les individus de sexe féminin. Il frappe d’abord l’île d’Achill en Irlande, puis les trois pays cibles de sa vengeance, mais les mesures de quarantaine insuffisantes plongent rapidement la planète entière dans le chaos. Alors que les gouvernements tentent de trouver un remède à la pandémie, O’Neill se rend en Irlande, là où tout a commencé, là où tout doit finir.

Avant-dernier ouvrage de l’auteur, roman-catastrophe de sept cents pages morcelé en une kyrielle de points de vue, La Mort blanche souffre d’inévitables longueurs et semble parfois bien plus daté que ses vingt-neuf ans (les personnages féminins font peine à lire, un comble pour un roman dans lequel on les extermine). On a l’impression que Frank Herbert a voulu tout mettre dans son livre, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes de rythme. Les destins des génies en lutte contre la maladie ne sont pas toujours palpitants, et le périple de John O’Neill n’est rien moins qu’interminable. Roman obèse, on l’a déjà dit, La Mort blanche est aussi traversé de fulgurances, d’idées dérangeantes, tout le monde en prend pour son grade : l’Amérique, Israël, les Chinois, les Russes… et les Français particulièrement gâtés. Merci, Frank !

Avec 200 pages de moins, un style un peu plus recherché, une traduction au diapason (là, c’est juste atroce), une intrigue resserrée autour de O’Neill et du chercheur Beckett, cette fresque apocalyptique aurait été formidable. En l’état, c’est une mosaïque qui supporte mal la comparaison avec Le Fléau de Stephen King ! Comparaison inévitable mais bancale, car là où King remet sur la table (d’autopsie) la lutte du Bien contre le Mal, Herbert s’intéresse lui davantage aux pouvoirs politiques, religieux, à la morale, à la violence des hommes. Plus dérangeant, mais pas surprenant chez cet auteur, le livre fait parfois l’éloge de cette bonne vieille solution du « Mal contre le Mal ». Chez King, on lève les yeux vers Dieu : « Pourquoi ? », chez Herbert, la pandémie meurtrière sert d’expérience de pensée politique, un terrain de jeu pour la realpolitik. Au final, un roman ambitieux, ennuyeux, très daté mais qui, paradoxalement, marque de façon durable.

Thomas DAY

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