Christophe LAMBERT
FLEUVE NOIR
262pp - 17,00 €
Critique parue en octobre 2008 dans Bifrost n° 52
Près de deux ans après Zoulou Kingdom (disponible en poche chez Pocket depuis peu), nous arrive donc Le Commando des immortels, quatrième roman « adulte » d'un auteur, Christophe Lambert, qu'on connaît avant tout pour la qualité de ses juveniles, chez Mango « Autres Mondes » notamment ou, plus récemment, chez Intervista dans la collection « 15/20 ».
Nous sommes au lendemain de Pearl Harbor et la panique gagne le « monde libre ». Alors que le Japon attaque la Birmanie et que les Américains comprennent qu'ils ont toutes les chances de se faire balayer par les forces impériales au cœur de la jungle asiatique, ils décident d'aller demander l'aide des plus redoutables spécialistes de ce type d'engagement. Des spécialistes qui vivent parqués dans la dernière de leurs réserves, au cœur du territoire américain : les elfes. À qui ils proposent une véritable reconnaissance de la part du gouvernement US, un mea culpa officiel pour la politique d'extermination et de spoliation dont ils ont été victime au fil des siècles, ainsi qu'un vrai statut d'autonomie. Les elfes acceptent d'envoyer cinq de leurs spécialistes en aide aux alliés, à la condition étrange que les accompagne un curieux professeur de langues anciennes d'Oxford, un illustre inconnu, écrivain à ses heures, un certain John Ronald Reuel Tolkien… Qu'il va falloir convaincre de quitter sa pluvieuse Angleterre pour aller faire la guerre. Le cadre est posé : dans cet univers parallèle où les elfes ont remplacé les indiens, nous suivrons un bataillon allié au cœur des ténèbres.
Comme de coutume, Lambert part d'un postulat séduisant pour livrer un récit nerveux, une pure série B où il fait montre de son exceptionnelle aisance dans les scènes d'actions, développe son style remarquablement visuel sans oublier de donner à l'ensemble la possibilité d'une « lecture » plus approfondie : ici, le rapport du créateur à son œuvre et les fondements de l'universalité du mythe. Et comme de coutume, il échoue à aller au-delà — à supposer qu'il le veuille… Mais qu'il le veuille ou pas, il n'empêche qu'on ne peut se départir d'une certaine frustration. Que Lambert caractérise davantage ses personnages, qu'il donne davantage de souffle à l'ensemble, qu'il nous débarrasse de ce désagréable sentiment que tout le monde est finalement, dans ses pages, assez gentil, assez lisse (un trait hérité de son parcours d'auteur jeunesse ?), qu'il prenne son temps, et l'on passera très vite de la série B bien faite, plaisante, au grand et beau roman d'aventures, à la vraie fresque dont on ressort couvert de boue et le cœur rincé. Christophe Lambert en a les moyens, sans conteste. Reste simplement peut-être à l'en convaincre, lui. Quant à nous, on attend (encore !) ça de pied ferme, parce que le jour où ça arrivera, ça promet de dégager pas pour rire…