« Qu'est-ce que tu veux ? aboie McNair. De l'argent ? On peut s'arranger!
Nighthawk feinte en direction de son aine et, du talon de la paume, le frappe sous le nez. Des esquilles d'os se logent dans le cerveau de McNair le tuant net.
Il entend un bourdonnement derrière lui, se retourne, et voit un pistolet laser à pleine charge braqué sur lui. »
On a longtemps taxé les récits de Space Opera de « westerns de l'espace ». Ainsi Gene Roddenberry, le créateur de Star Trek, avait en son temps fait passer sa série, aux yeux des chaînes de télévision, pour une simple « caravane de l'espace» où les lasers remplaceraient les six-coups et les extraterrestres les Peaux-rouges. Plus récemment un éditorialiste d'Interzone, le fameux magazine de Science-Fiction anglais, aura vu dans la multiplication des séries et des films de Science-Fiction un symptôme comparable à celui qui précéda la disparition pure et simple du western en tant que genre littéraire.
Si Roddenberry n'a finalement pas tourné un western interstellaire, on s'accordera aussi sur le fait que la Science-Fiction est loin d'avoir un champ de potentialité aussi réduit dans le temps, l'espace et les idées qu'elle permet d'aborder. Elle a le pouvoir d'émuler n'importe quel genre, du polar (lire par exemple Les racines du mal de Dantec) au roman historique en passant, justement, par le western.
Une preuve supplémentaire, s’il était nécessaire, nous en est donc donnée ici avec Le Faiseur de Veuves. En effet, cette histoire des premiers pas de Jefferson Nighthawk, clone du plus grand tueur à gages de l'histoire de la Galaxie, c’est à une grosse production western que Resnick nous convie… et force constater qu'on y prend plaisir.
Car la vie n'est pas facile, sur la Frontière galactique, surtout lorsqu'on a pour missionn d'aller abattre le Marquis de Trelaine, bandit redoutable, le plus puissant de… Déluros ! Que ce soit à travers les noms des planètes (Klondike), les pseudonymes des protagonistes (Bouch Ben Masters) ou les situations (fusillade à l'épreuves, coups fourrés, prêtre défroqué reconverti dans le pillage d’églises et danseuse allumeuse), l'auteur joue vraiment la carte de la référence aux films de la grande époque cinémascope des années 60-70. Vraiment mises à part quelques scènes anecdotiques réellement science-fictives (l'ouverture, le palais des glaces…), on pourrait très bien réécrire Le Faiseur… avec Hernandez (commanditaire de la mission du héros) en premier ministre mexicain, et Leonardo di Caprio dans le rôle du jeune clone…
Resnick, comme à travers la plupart de ses récits (Purgatoire, Projet Miracle, etc.) maintient le cap en ce qui concerne les personnages pathologiquement froids et incapables de construire quelque chose. Il n'y en pas un pour rattraper l'autre, si l’on excepte peut-être le Père Noël pilleur d'églises, qui esquissera un semblant de relations paternelles avec le jeune clone. Mais, même doté d'un grand cœur, le père Noël n'est qu'un brigand parmi d'autres. Resnick aurait-il une si piètre opinion de l'humanité ou cultiverait-il le cynisme en tant que style ?
Côté dépaysement, l'auteur déploie sa panoplie d'extraterrestres et de mutants bigarrés sans trop d'effort. On n’est pas exactement sur le terrain du grand spectacle ethnologique à la Projet Miracle ou L'infernale comédie, et la Frontière est plutôt déserte — ce qui n'empêche la faune, même cantonnée à un rôle de figuration, d'être convaincante. On notera au passage la présence d'un « super-tribble » (une grosse peluche auquel l'auteur aura réservé un sort tout particulier… Enfin le traitement du syndrome du « clone » n'est pas notablement original (une sorte de variation croisée sur la phobie gémellaire et le pathos œdipien — un trait psychologique dont les récents progrès en psychiatrie tendent à démontrer qu'il n'existait que dans l'imagination de Freud…). Resnick aura d'ailleurs pris garde de ce ménager un alibi en la matière une intrique enfermant son personnage principal dans un contexte réducteur.
Bref un roman de distraction pure, assez cynique dans son genre, facile à lire et de facture classique. Un western « impitoyable » de l'espace donc, moins lourd et plus réussi que le précédent Projet Miracle mais incontestablement moins ambitieux que L'infernale comédie.