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Les critiques de Bifrost

Le Sot de l'ange

Christopher MOORE
CALMANN-LÉVY
251pp - 17,45 €

Bifrost n° 45

Critique parue en janvier 2007 dans Bifrost n° 45

Premier roman de Christopher Moore publié chez Calmann-Lévy (avec plusieurs autres dans les tuyaux, ce qui ne peut que nous réjouir), Le Sot de l'ange est une sorte d'hommage délirant à Georges Romero nappé de sauce Moore. Un mélange détonnant, donc, qui voit cohabiter un faux père Noël mort pour de vrai, un archange benêt, Dieu, une serveuse bionique, un flic amateur d'herbe, une armée de zombies fous de cervelle, un dîner de célibataires, Kendra l'ex-barbare-de-la-nuit-mutante-de-la-mort-du-désert-qui-tue et un petit garçon dégoûté parce que Noël, cette année, c'est foutu.

Risque énorme, donc, de basculer dans une grosse farce pétomane aussi grotesque qu'inoffensive, mais risque parfaitement contrôlé par un Christopher Moore en grande forme. Si le propos du Sot de l'ange est, certes, ouvertement délirant, l'auteur parvient à rester sur la corde raide en se cantonnant aux limites du crédible. Et rien ne fonctionne mieux qu'un humour bien barré rigoureusement possible, avec ses conséquences logiques et probables.

C'est la très grande force de ce roman iconoclaste : prendre un élément ouvertement impossible et le traiter jusqu'au bout, dans ses moindres détails. Avec un sens du dialogue qui doit autant à Tex Avery qu'à Matrix, Moore réutilise les personnages déjantés du Lézard lubrique de Melancholy Cove (et de quelques autres romans, un classique chez Moore) et les insère dans une très vague histoire où un ange un peu paumé est mandaté par Dieu pour faire une BA avant Noël. Il ressuscite donc un faux père Noël récemment dézingué par sa femme, mais oups, tout le cimetière avec… C'est alors toute une cohorte de zombies affamés qui sort de terre, bien décidée à niquer la cervelle de ces salauds de vivants qui font rien qu'à vivre, justement.

Prototype de ce qu'Orwell nomme avec justesse excellente mauvaise littérature, Le Sot de l'ange fait partie de ces romans qui font plaisir à leurs auteurs. De fait, le lecteur n'a pas franchement tendance à s'ennuyer. Et passer un bon moment avec un joli livre ni bête ni sérieux, c'est suffisamment rare pour être signalé. Profitez-en, Le Sot de l'ange est de ceux-là.

Patrick IMBERT

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