« Peter Grant regarda le quatuor. Des gosses avec des fringues impossibles, qui se prétendaient australiens, traversaient l'Atlantique et réclamaient du raide...
— Dites, les mômes, le collège n 'a pas repris chez vous ?
La question était choquante dans la bouche de Grant.
— Pas encore, éluda Orlando.
Grant hocha la tête. Il était loin d'être aussi balourd que son aspect physique et ses manières frustres ne le laissaient supposer.
— Et votre copine, miss pimpon, elle est plus avec vous ?
— Elle cuve... »
On mélange un futur où la seule façon de se vacciner contre un virus capable de vous transformer en zombie affamé est l'absorption immodérée d'alcool ( !), un voyage dans le temps dans un Londres de 1968 décalé, une Buick hi-tech et le groupe rock Led Zeppelin, véritable fil rouge du bouquin, et voici venu Le temps du Twist ! Le cocktail peut sembler indigeste (il l'est au début, c'est vrai), mais passée la première surprise on se laisse bien volontiers prendre au jeu et suivre les aventures de ce groupe de jeunes paumés combattant les uchronies et les reformatages d'univers (le leur en l'occurrence).
Néanmoins, d'aucuns trouveront peut-être la philosophie des personnages discutable : le voyage dans le temps, c'est planant, mais les « héros » se trouvent quand même des petits coups de pouce peu recommandables... hum. Quoiqu'il en soit Joël Houssin est décidément remarquablement à l'aise dans la description d'univers sombres et désespérés ; univers d'autant plus déroutant qu'il oscille en permanence entre la déprime totale et la plus féroce des hilarités.
Pour s'étendre sur le traitement du thème de l'uchronie (que se serait-il passé si l'histoire n'avait pas pris le tour qu'on lui connaît — le nez de Cléopâtre plus long, les Nazis vainqueurs de la seconde guerre mondiale, etc.) et des incidences temporelles, on notera une déclinaison intéressante : le nouvel univers créé par l'événement déviant efface peu à peu l'ancien, qui rétrécit alors tel une peau de chagrin : la recette de la meringue disparaît en même temps que l'Amérique du Sud ! Et les protagonistes de s'y raccrocher comme à une bouée... Au total un roman cyberpunk (Grand Prix de l'imaginaire 1992) déroutant mais qui ne manque pas de piquant, le tout sur un rythme d'enfer, celui des accords de Jimmy Page.