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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 2012 dans Bifrost n° 67

[Critique commune à Skin Trade et Le Volcryn.]

En mai 2010, d'abord, puis en février 2012, les éditions ActuSF ont eu la bonne idée, commercialement parlant, de publier deux novellas de George R. R. Martin, Le Volcryn d'abord, puis Skin Trade.

Le premier texte, Le Volcryn (qu'on nous assure révisé par Ayerdhal — on frémit à l'idée de ce que ça devait être à l'origine, parce qu'en l'état, c'est loin d'être glorieux…) est un huis-clos, un survival horror dans un vaisseau lancé à la rencontre d'une énigmatique civilisation extraterrestre. Cette novella datant de 1980, et qui a connu une adaptation cinématographique de bien triste réputation, s’avère très étrange : incroyablement datée par certains aspects (on pense à des classiques de Robert Heinlein, notamment), et assez moderne par ailleurs. Il y est pas mal question de psychanalyse et (donc) de sexe. De nos jours, après Alien au cinéma, Vision aveugle en librairie, il est très difficile de trouver beaucoup d'intérêt à ce jeu de massacre poussif dont les ressorts scénaristiques sont usés depuis au moins deux, sinon trois décennies. Ni l'écriture ni la construction de ce Volcryn n'évoquent le George R. R. Martin des grandes heures, et l'aventure ressemble avant tout à un de ces sympathiques films d'horreur de série B où une bande d'ados se fait trucider, un par un, œuvre d'un inconnu qui, au final, se révèle pas si inconnu que ça. Lisible, sans aucun doute, mais déjà sans grande originalité au moment de sa prime parution, Le Volcryn est anecdotique, surtout si on le compare à « Une chanson pour Lya » ou « Les Rois des sables », qui font sensiblement la même longueur. Quant au choix du titre français : tout faux… il spoile la révélation finale et passe à côté des véritables enjeux du texte promettant un « premier contact » que l'auteur évite, ou presque.

Relevant purement et simplement de la littérature de divertissement, Skin Trade se révèle tout de suite plus intéressant, même si l'ensemble est un colosse aux pieds d'argile ne résistant guère à une étude attentive de son scénario (sans parler de la fin, qui, justement, n'en est pas une, le curseur narratif semble s'être arrêté aux deux tiers de l'histoire). Mais peu importe, le plaisir est ailleurs.

Willie, agent de recouvrement et loup-garou tueur d'écureuils, apprend la mort violente de son amie Joan, handicapée, mais loup-garou elle aussi (louve-garou ?). Il engage alors une de ses connaissances, Randi, pour mener l'enquête. Mais la détective privée a un lourd secret : son père policier a été mutilé par une bête féroce sur laquelle il a vidé son chargeur sans succès…

Skin Trade est un pulp (ce que n'a visiblement pas bien compris la traductrice), un pulp sincère, malin, plein de clichés contournés, assumés, détournés. Comme dit précédemment, cette lecture ne tient pas des masses d’un point de vue scénaristique, mais qu’importe, on se laisse prendre par l'aventure qui évoque un classique du genre : le sous-estimé Wolfen de Whitley Strieber (auteur qui n'a pas écrit que des idioties sur les enlèvements extraterrestres). Skin Trade aurait pu être un bon roman de série B. Allons plus loin : ça aurait dû être un vrai roman. En l'état, ce n'est qu'un chouette divertissement inabouti.

[Lire l'avis de Bertand Bonnet dans le Bifrost n°60.]

Thomas DAY

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