Connexion

Les critiques de Bifrost

Critique parue en mai 1998 dans Bifrost n° 8

On ne peut qu'admirer, au premier abord, la reconstitution minutieuse de cette Florence du XVIe siècle, la justesse des détails concernant les mœurs de l'époque, les intrigues des puissants, qu'ils soient hommes de cour ou d'église, les techniques de fabrication des pigments et les règles de la peinture religieuse. Minutieuse ? Allons donc ! Fantaisiste plutôt puisqu'il s'agit d'une Florence parallèle où roulent des voitures à vapeur, où l'on fume des joints et où les Aztèques ont développé de fructueuses relations commerciales. En fait, Paul McAuley a trouvé le juste équilibre dans son collage d'éléments historiques et de décalages spéculatifs pour donner à cette fresque uchronique les couleurs de la crédibilité et le réalisme du détail. Reconstitution minutieuse, donc, car il faut une parfaite connaissance de la période pour la remodeler de la sorte et la restituer avec cette généreuse richesse qui transparaît également dans le style.

On apprécie tout d'abord les personnages historiques, depuis Léonard de Vinci qui a cessé de peindre pour devenir le Grand Ingénieur, dont les inventions ont changé la face du monde, jusqu'à Machiavel qui, en disgrâce depuis la chute des Médicis, est devenu, à la Gazette de Florence, un journaliste réputé pour ses déductions dignes d'un Sherlock Holmes ou du Guillaume de Baskerville du Nom de la rose.

Pasquale, apprenti peintre auprès de Rosso, artiste aigri, est le véritable héros de cette enquête qui commence par un meurtre commis dans l'entourage de Raphaël d'une façon que n'aurait pas reniée un Gaston Leroux ou un Edgar Poe, et qui se poursuit par l'empoisonnement de ce dernier. Son ennemi Michel-Ange en est-il le commanditaire ? Est-ce l'œuvre des savonarolistes qui conspirent et perpétuent l'intolérance de cet antihumaniste notoire ? Celle d'espions à la solde de l'Espagne ?

Roman policier dans la grande tradition du genre, où les indices sont dissimulés dès les premières pages, Les conjurés de Florence est aussi le récit d'une quête, celle de Pasquale à la recherche du visage de son ange, son chef d'œuvre pictural en gestation, en même temps qu'un roman d'apprentissage, qui conduira le jeune homme vers la maturité.

Réjouissant, astucieux, bourré de références, ce roman est une réussite à tous les points de vue capable de réconcilier les exigeants amateurs de littérature générale avec les spéculations audacieuses d'une Science-Fiction de qualité.

Claude ECKEN

Ça vient de paraître

Les Armées de ceux que j'aime

Le dernier Bifrost

Bifrost n° 116
PayPlug