Dan SIMMONS
LIVRE DE POCHE
480pp - 7,10 €
Critique parue en octobre 2010 dans Bifrost n° 60
Bucarest, 1990. Dans les mois qui suivent la chute de Nicolae Ceaucescu, des humanitaires américains arrivent en Roumanie afin de donner des soins aux enfants qui survivent dans les orphelinats. Parmi eux un jésuite, O’Rourke (qui n’est autre que l’un des personnages de Nuit d’été, un précédent roman de Simmons), et Kate Neuman, une brillante spécialiste des maladies du sang. Très vite, cette dernière s’attache à un nourrisson, manifestement séropositif, dont le système immunitaire se renforce suite à chaque transfusion sanguine. Après avoir adopté l’enfant, la mère le ramène aux Etats-Unis. La scientifique poursuit ses recherches et comprend que la maladie de son fils pourrait être à l’origine des légendes se rapportant aux vampires. Mais l’enfant est bientôt enlevé. Kate décide de retourner en Roumanie pour le retrouver.
Si Dan Simmons s’empare du mythe de Dracula (de nombreux monologues reprennent les éléments les plus marquants de la « légende noire » de Vlad Tepes), c’est pour le traiter comme un roman de hard science dans lequel le vampirisme serait un rétrovirus d’origine génétique proche du VIH. Comme dans L’Echiquier du mal, il utilise les mécanismes du thriller. On peut cependant regretter que l’intrigue réserve peu de surprises et que la peur ne soit guère au rendez-vous pour le lecteur. Afin de planter le décor dans lequel évoluent ces Children of the night, Simmons avait effectué un voyage dans les Carpates (il l’évoque dans la nouvelle autobiographique « Mes Copsa Mica » parue dans Le Styx coule à l’envers). Le livre vaut donc principalement pour le portrait saisissant qu’il brosse de la Roumanie à peine sortie de l’ère communiste. Quiconque se souvient des reportages télévisés de l’époque retrouvera des images familières du chaos économique et sanitaire soudainement exposé au reste du monde après la révolution de décembre 1989. Cependant, le roman serait bien meilleur si l’auteur avait fait preuve d’un peu plus de subtilité dans sa présentation des faits pour le moins orientée (il évoque ainsi les centaines de morts des charniers de Timisoara comme des victimes de la Securitate, alors qu’on savait dès 1990 qu’il s’agissait d’une manipulation…).
La grande réussite de Dan Simmons est d’avoir fait des vampires les victimes d’une mystérieuse maladie génétique, tandis que leurs serviteurs humains se révèlent en définitive les personnages les plus dangereux. Sans atteindre le niveau de L’Echiquier du mal, loin s’en faut, ou même de Terreur, du fait d’une intrique ténue, Les Fils des ténèbres intéresseront les amateurs de hard science qui voudraient croire aux vampires.