Stéphane BEAUVERGER
FOLIO
416pp - 11,00 €
Critique parue en janvier 2006 dans Bifrost n° 41
Âgé d'à peine dix ans, Cendre vit à Lourdes où il foudroie les malades atteints du chromozone. Un jour, ses maîtres lui ordonnent de partir pour Paris, de quitter sa gardienne Andréa et sa mère, afin de rencontrer le Pape Michel et d'obliger celui-ci à reconnaître sa nature particulière, d'inspiration divine voire messianique. Peu après son embarquement à Biarritz, Cendre découvre qu'on lui a menti, qu'il ne va pas à Paris, mais en Allemagne ; une découverte qui ne lui sera d'aucune utilité car peu de temps après le bateau sur lequel il se trouve est attaqué. Kidnappé par Justine Lerner, Gem et les autres survivants de la Maison-Tortue, Cendre se retrouve en semi-liberté à Ouessant, sous la responsabilité de Lucie. Alors que les deux jeunes gens glissent lentement vers l'idylle, ils sont sauvagement enlevés par les sbires de Khaleel, le prophète de Marseille. Piquée au vif, Justine n'est pas décidée à se laisser faire, surtout qu'elle voit en Cendre un moyen de prendre sa revanche sur son ex-mari : le génie Peter Lerner — un expert en réseaux de communication qui, depuis son bastion allemand, vient de lâcher sur le monde ses noctivores, des humains qui ont perdu une partie de leur humanité et gagné autre chose. C'est à Marseille que Cendre appréhendera sa véritable nature. C'est à Marseille que Justine, Peter et Khaleel se disputeront l'enfant, lors d'un affrontement dont l'âpreté ne fait aucun doute.
Chromozone n'était pas le livre francophone de l'année 2005, ce qui ne l'empêchait pas de revendiquer sa place d'« incontournable » pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à la S-F d'expression française. Les Noctivores (Chromozone, huit ans plus tard) se place un cran au-dessus de son prédécesseur : le style est plus maîtrisée, plus épuré ; il en va de même pour la construction qui, dans l'apparente simplicité, gagne en profondeur et efficacité. D'ailleurs, tout comme Akira Kurosawa filmant Rashômon, Beauverger n'hésite pas à raconter la même scène de plusieurs points de vue différents ; ici c'est l'épisode du kidnapping de Lucie et Cendre qui sera d'abord vécu de l'extérieur, puis de l'intérieur. Tout au long du roman, les personnages sont bien dessinés (mais on n'en attendait pas moins d'un auteur qui a toujours excellé en la matière) : Justine (tout en restant une flingueuse impitoyable) gagne en humanité ; Gem s'est consumé ; Lucie va se révéler… Et au-dessus de la mêlée, Peter Lerner et son armée de noctivores attendent leur heure.
Evidemment, ce second volume d'une trilogie d'ores et déjà passionnante n'est pas sans défaut : il reste quelques scories d'écriture, quelques ficelles de manipulation trop visibles pour être honnêtes, mais — rassurez-vous — rien qui gâche vraiment le spectacle. Pour finir cette critique enthousiaste, je préciserai que, contrairement à l'éditeur, je ne crois pas que chaque volume du triptyque puisse se lire indépendamment, du moins pas sans y perdre beaucoup de plaisir, car tout ce qui fait le sel des Noctivores a été planté dans Chromozone.