En 1929, Andrew Hale, alors âgé de sept ans, entre dans les services secrets britanniques — à son insu, bien sûr. Une fois arrivé à l'âge adulte, après bien des entraînements dans des camps de préparation militaire, Hale se révèle un espion fort doué. Puis agent double, toujours au service de Sa Gracieuse Majesté. La guerre va lui permettre de développer quelques dons particuliers et une expérience irremplaçable, qualités qui vont l'envoyer tout droit jouer dans la cour des grands. Il va ainsi partager un des secrets les mieux gardé au monde : l'existence, sur le mont Ararat, dans la gorge d'Hahora, de puissances démesurées, inhumaines et intelligentes, qui représentent une menace pour l'humanité. Les britanniques, depuis des années, tentent de mettre en place le projet DECLARE, visant à se débarrasser de ces puissances. C'est ainsi qu'en 1948, Andrew se retrouve à la tête de l'expédition destinée à mettre un point final au projet DECLARE. Mais l'échec est retentissant, et Hale se sort miraculeusement indemne d'un véritable massacre. Le voici à la retraite. Pourtant, en 1963, son ancien patron vient le chercher : le projet DECLARE sort de la naphtaline. Il s'agit de faire vite et bien, car les puissances du mont Ararat sont toujours en place et les Russes vont tenter de s'allier avec elles…
Pour une fois, nous voici en présence d'une quatrième de couverture « Lunes d'encre » pas trop mensongère — et signalons un très beau dessin de couverture signé Manchu, illustrateur qu'on voit désormais beaucoup (trop ?). Ça, c'est l'emballage. Quant au reste… On a droit à un prologue sur les chapeaux de roue, plein de bruit et de fureur, comme on dit, laissant présager de noirs secrets, avec juste ce qu'il faut de terreur et de désespoir pour laisser le lecteur trépignant et bavant. Et puis, et puis… Plus grand chose. Powers nous ballade dans la vie de son héros, faisant des allers-retours entre 1948 et 1963 sans vraiment jamais rentrer dans le vif du sujet, sauf par quelques touches assez discrètes de-ci de-là. En fait de fantastique, c'est à un roman d'espionnage que Powers nous convie, et les choses sérieuses ne s'enclenchent vraiment qu'à partir de la page 250 du premier tome. Et encore, n'allez pas pour autant croire que les 450 pages restantes soient un festival son et lumière — ici, Powers fait résolument dans l'économie de moyens pyrotechniques.
En fait, Powers nous plonge dans les arcanes du monde de l'espionnage avec un talent consommé, et ses évocations, des plus pragmatiques, sont fascinantes. On ne fera pas ici l'apologie du bonhomme, dont les capacités ne sont plus à démontrer : Powers est sans conteste un écrivain majeur. Il n'en reste pas moins que ce roman souffre de délayage et aurait probablement mérité une amputation d'un bon tiers, histoire de lui faire retrouver pêche et nervosité. D'autant que le final, plutôt décevant, nous laisse comme un arrière-goût de « tout ça pour ça ». Bref, un livre intéressant, au-dessus de beaucoup, mais finalement peu concluant au regard des espoirs qu'on est en droit de fonder à l'idée de lire un nouveau Tim Powers.