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Les critiques de Bifrost

Neuvième Cercle

Fabrice COLIN
MNÉMOS
7,00 €

Critique parue en mai 1997 dans Bifrost n° 5

« Le monstre est là. Il passe à toute vitesse devant nous — seize wagons de ferraille hurlant dans la nuit, toujours ce même cirque —, et il est pratiquement vide.

À cette heure-là, c'est parfaitement normal, mais la scène se déroule maintenant au ralenti, et je sens qu'il va se passer quelque chose. Il n’y a personne dans ce foutu métro, personne jusqu'à la quatorzième voiture. Puis c'est l'hallucination, directe, terrifiante. Des sortes de malades mentaux … se pressent aux fenêtres pour nous voir passer et l’espace d'un instant, je ne sais plus si c'est eux ou nous qui avançons. Leurs visages énucléés et grimaçants n'ont rien d'humain… tout ça ne dure qu'une seconde… le train disparaît dans l'obscurité. »

Bon. À en croire l'impact de certaines visions, Fabrice Colin a peut-être du talent. Dommage que ces dites visions apparaissent plus échappées de ce qui ressemble à un épanchement cathartique (autrement dit, vidons notre sac et faisons dans le plus « gore-crade » qu'on puisse imaginer) davantage qu'à un roman d'épouvante doté d'une intrigue conséquente. Oui, vraiment dommage…

La trame ? En ces derniers jours de l’année 1999, les fanatiques sectaires ont décidé, via la personne de l'homosexuel pas si refoulé que ça Justin le prêcheur, de nettoyer une bonne fois pour toute la lie de l'humanité réfugiée dans quelques uns des neufs dessous de cette bonne vieille ville de NewYork. Là où d'autres auraient envoyé Linda Hamilton réciter des poèmes romantiques à un honme-lion au bord des cascades d'un fleuve souterrain ayant miraculeusement esquivé les égouts de la Big Apple l'auteur va torturer trois échappés d'une maison de redressement et nous faire assister, par leurs yeux, à un carnaval d'atrocités. Le final (à mon goût plutôt anticlimatique), du même bois ou peu s'en faut, rejoindra Black Velvet sur les « Territoires de la Craditude Absolue », dans un raccourci assez frappant pour qui aura parcouru les deux romans.

Et le neuvième cercle, me direz-vous ? Parce qu'il faut quand même une dose de grandeur Fantastique pour faire passer une pilule aussi amère, les errements de nos trois « héros » croisent à plusieurs reprises la route de prétendus Dieux ressuscités et autres immortels. Jusqu'à Dante et Leonardo Da Vinci, même, qui passent visiblement plus pour des alibis culturels qu'autre chose.

Aussi la question de s'imposer d'elle-même : pourquoi certains lecteurs « avertis » apprécieraient-ils, le cas échéant, Neuvième Cercle ou Black Velvet ? Le crade, le flippant, le traumatisme brut de décoffrage, l'étalage de perversion clinique suffisent-ils à réveiller la peur primale, à combler les appétits de grands frissons et exorciser les angoisses de la réalité quotidienne ?

Sur votre serviteur, ça ne fonctionne décidément pas. Il en ira peut-être différemment avec vous, même s'il est sérieusement permis d'en douter…

David SICÉ

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