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Les critiques de Bifrost

Oblique

Greg BEAR
ROBERT LAFFONT
480pp - 22,73 €

Critique parue en octobre 1997 dans Bifrost n° 6

[Chronique de l'édition anglaise parue en juin 1997]

En 1990, La Reine des Anges mettait en jeu le remarquable talent de Greg Bear dans le domaine de la « hard » Science-Fiction. L'intérêt du roman consistait, plus que dans l'intrigue et les personnages, à exposer les possibilités offertes par la nanotechnologie et la réalité virtuelle dans la transformation de l'Homme.

Sept ans plus tard, Greg Bear replonge avec Slant (Oblique) dans l'univers de La Reine des Anges, pour cette fois-ci s'intéresser directement à l'Homme. Ainsi met-il autant de soin à dépeindre la toile de fond technologique que la psychologie de ses héros. Slant se présente comme un roman social, la photographie d'une société en crise et minée de l'intérieur.

Cette société se divise en trois classes. Les Analysés qui constituent l'immense majorité de la population ont eu recours à la thérapie, éliminant, à l'aide d'implants nanotechnologiques, toute forme de troubles mentaux. L'économie est aux mains des Naturels, nés sains d'esprit et qui forment une petite élite ultra-conservatrice. Au bas de l'échelle sociale grondent les DésAffectés. Chômeurs pour la plupart, ils s'abrutissent de Yox, spectacle généralement pornographique relayé directement aux centres nerveux par le biais d'implants.

Les comportements anti-sociaux se font de plus en plus nombreux et ne sont pas uniquement le fait des DésAffectés ; les cas de rechute après thérapie prennent des proportions inexplicables et la société semble sur le point d'imploser…

Plutôt que de nous décrire de l'extérieur la déliquescence de cette société, Greg Bear nous en fait mesurer les effets à travers les travaux et les jours de cinq personnages : Alice, star de Yox porno ; Jonathan, Naturel père de famille ; Jack, mystérieux profanateur de sépulture ; Martin, thérapeute de renom ; enfin Mary flic bio-transformée (ces deux derniers personnages étant déjà présents dans La Reine des Anges).

 En dressant le portrait au vitriol d'une Amérique future au bord de la crise de nerf, Greg Bear écorche au passage la société contemporaine déshumanisée, égoïste, méprisant la réalité, d'une grande hypocrisie sexuelle, geignarde et jamais satisfaite. Satire sociale pessimiste et acerbe, Slant révèle véritablement le talent de Greg Bear qui mène son récit avec une précision nanochirurgicale. La tension qu'il instille au fil de sa narration explose en un feu d'artifice d'action qui nous prend par surprise et nous emmène, le souffle court, jusqu'à la dernière ligne.

Lire la chronique de Jean-Pierre Lion.

Sophie GOZLAN

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