Everett Singh est un jeune Anglais presque normal. Certes, son père originaire du Pendjab est un physicien de haute volée qui l’emmène à des conférences sur la nanotechnologie ou la société post-pétrole, certes, il porte en guise de prénom le nom de l’auteur de la théorie des mondes multiples, et certes, c’est un petit génie, notamment de l’informatique, mais il joue au foot et il adore Doctor Who. Alors, quand il voit son paternel, Tejendra, se faire enlever en plein Londres par trois types en noir sortis d’une grosse voiture, il doit bien se rendre à l’évidence : puisqu’il n’a rien d’un superhéros, il ne lui reste qu’à appeler la police.
Qui se révèle de prime abord aussi sceptique qu’inefficace, voire complice : Everett la soupçonne vite d’avoir modifié les photos du rapt qu’il a prises à la va-vite sur son portable et qu’il leur a confiées, afin de le faire douter — et faire douter sa mère divorcée — de la réalité de l’événement. Comme il soupçonne Paul McCabe, le patron de son père, qui, lors d’une visite de courtoisie, le prie de lui remettre tout dossier informatique que Tejendra aurait pu lui transmettre. Justement, l’ado reçoit bientôt de son père un courrier électronique, un envoi automatique sous condition, contenant un fichier, un programme : Infundibulum. Rien de moins qu’un annuaire du multivers, une sorte de répertoire de tous les univers parallèles. Son père travaillait sur le sujet. Everett le savait, mais croyait qu’il s’occupait de théorie pure. Or, il s’avère que les univers parallèles existent bien, qu’ils ont formé une coalition dissimulée au grand public, et que tout ne va pas pour les mieux dans le(s) meilleur(s) des mondes…
Nanti de cet outil infiniment précieux, et infiniment convoité, au point de menacer toute sa famille, notre jeune Anglais va donc partir à la recherche de son père disparu, ce qui va l’entraîner de monde en monde, en un tourbillon de paysages et de rencontres. Et si on voyage en dirigeable, c’est dans un univers électropunk qui n’a jamais connu l’ère de la vapeur…
En dire davantage serait déflorer ce roman jeunesse, le plus accessible — tranche d’âge oblige ? — de notre auteur. Si Ian McDonald fait montre de sa sensibilité habituelle aux cultures dites « exotiques », s’il joue quelque peu du langage en recourant — avec une parcimonie qui rassurera ceux que Le Fleuve des dieux avait laissés pantois, et en fournissant cette fois un lexique complet — à un obscur argot londonien s’il emploie des concepts, comme la physique quantique, qu’on n’a guère l’habitude de trouver dans des œuvres destinées à ce public, il donne un livre d’aventures, inventif, jouissif, pleinement assumé, un roman d’apprentissage classique — notre héros va, bien sûr, croiser une jeune fille aussi beautiful que kick-ass — qui réussit le pari de contenter ses fans tout en s’offrant le luxe (éventuel) de lui en gagner d’autres. C’est tout le mal qu’on lui souhaite, vu la grande qualité de ce début de série dont le deuxième volume aura paru en VO quand vous lirez ces lignes.