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Les critiques de Bifrost

Points chauds

Points chauds

Laurent GENEFORT
LE BÉLIAL'
260pp - 18,00 €

Bifrost n° 68

Critique parue en octobre 2012 dans Bifrost n° 68

Critique commune à Points chauds et Aliens, mode d'emploi.

Le nouveau roman de Laurent Genefort repose sur une idée tellement simple qu’il lui suffit de quelques paragraphes en début de livre pour nous l’exposer : à partir de 2019 commencent à apparaître un peu partout sur Terre des portails, très vite baptisés les Bouches, des trous de ver reliant de lointaines planètes à la nôtre, variante plus « terre à terre » des portes de Vangk qui parsèment l’œuvre de l’auteur, et d’où vont surgir par millions des extraterrestres de toutes sortes et de toutes formes. La plupart d’entre eux ne ressemblent en rien aux aliens belliqueux que l’on croise si fréquemment dans la sci-fi. Au contraire, ce sont le plus souvent des créatures paisibles et nonchalantes, et si leur fréquentation peut parfois s’avérer dangereuse, c’est surtout parce que certaines espèces ont une fâcheuse tendance à émettre des vapeurs toxiques pour l’homme en guise de bonjour, ou qu’on se sera frotté de trop près à un représentant de telle race dont le corps est couvert d’épines. Les accidents sont toujours possibles.

Même si le comportement de ces aliens ne présente pas une menace directe pour l’humanité, les autorités se retrouvent pourtant très vite totalement démunies face à un tel afflux et une telle diversité, et certains gouvernements vont prendre des mesures extrêmes à leur égard. Nombre de communautés extraterrestres vont également devenir la cible de diverses organisations, sectes et autres groupes mafieux, qu’ils considèrent ces immigrés comme une main d’œuvre corvéable à merci ou qu’ils espèrent tirer profit de la crainte que ces êtres suscitent au sein d’une bonne partie de la population. De ce point de vue, Laurent Genefort dresse un portrait peu flatteur des comportements humains.

Le romancier a intégré dans Points chauds la nouvelle « Remparts », parue il y a deux ans dans ces pages (n°58), et dans laquelle on découvrait cet univers du point de vue d’un militaire, Léo, membre de Rempart, la force internationale chargée d’intervenir chaque fois que la présence d’aliens parmi des populations humaines menace de dégénérer en conflit. Mais Laurent Genefort élargit son champ d’action en donnant la parole à des personnages très différents, dont les récits vont se croiser sans jamais se recouper. Il y a Prokopié, membre d’un peuple nomade de Sibérie, les Nénètses, qui décide d’accompagner une tribu alien dans sa traversée du Grand Nord ; Camila, médecin dans une ONG autorisée à venir en aide aux extra-terrestres victimes de milices en Afrique ; et Raji, un scientifique chargé d’interroger un couple de Corcovados dans un laboratoire de Berne. Tous vont, à des degrés divers, être les témoins de scènes dramatiques, d’exactions ou d’humiliations à l’encontre des aliens. Pourtant, malgré cette violence permanente dans laquelle baigne le roman, Laurent Genefort ne perd jamais tout à fait foi en l’Homme, et l’on trouve aussi dans Points chauds de beaux moments d’humanité, à l’image de cette petite annonce d’une jeune femme qui, lassée par la fréquentation de ses congénères, espère trouver l’âme sœur parmi les extraterrestres.

Les héros que met en scène Laurent Genefort ont en commun une même curiosité, une même volonté de remettre en question leurs certitudes, de se débarrasser de leurs préjugés pour se confronter à cette altérité qui caractérise les aliens, de s’interroger sur leur propre humanité à travers le regard de ces êtres à la fois si lointains et si proches, de se redéfinir à leur aune. Un début de transformation qui va trouver son point culminant dans un dernier chapitre bouleversant, lumineux, qui donne un éclairage profondément optimiste à l’ensemble de l’œuvre. Le genre d’émotion que ne procurent que les plus grandes œuvres de la science-fiction, et dont Points chauds fait incontestablement partie.

On retrouve la même philosophie à l’œuvre dans Aliens mode d’emploi, livre sans doute plus anecdotique mais pas moins agréable à lire. S’inspirant dans la forme du Guide de survie en territoire zombie de Max Brooks ou du plus récent Survivre à une invasion robot de Daniel H. Wilson, il se distingue de ces œuvres par sa tonalité moins belliqueuse, plus espiègle aussi. On y trouve certes quelques conseils pour ne pas succomber en cas de rencontre avec un alien hostile, mais ils occupent moins de place que ceux visant à vivre en bonne entente avec eux, voire à entretenir des relations intimes avec un Usuralyn hermaphrodite ou quelque autre espèce dont les organes reproducteurs vont se nicher dans des endroits insoupçonnés. Dans un registre pince-sans-rire des plus réjouissants, Laurent Genefort s’amuse à multiplier les situations incongrues et les mœurs extraterrestres les plus étonnantes. Le résultat se lit d’une traite, le sourire aux lèvres.

Philippe BOULIER

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