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Les critiques de Bifrost

Pollen

Pollen

Jeff NOON
LA VOLTE
384pp - 22,00 €

Bifrost n° 7

Critique parue en janvier 1998 dans Bifrost n° 7

[Chronique de l'édition anglaise parue chez Ringpull en 1995]

Pollen fait suite à Vurt (publié en France chez Flammarion en mai dernier et critiqué dans Bifrost 06) et confirme l'immense talent de Jeff Noon. On y retrouve une voix sombre et fascinante que l'on a du mal à quitter et qui nous conte les obsessions de l'auteur : Manchester, les labyrinthes, Alice au pays des merveilles et encore et toujours le rêve.

Manchester est peuplée des enfants de Fertilité 10 : la réponse des autorités à la stérilité causée par l'air noir de Thanatos. Fertilité 10 a permis la naissance de dizaines de milliers de bébés en brisant les barrières cellulaires entre les êtres. Les humains se prennent de désir pour les chiens, les machines, les êtres du Vurt et même les cadavres. De ces unions naissent une pléiade de créatures : hommes purs, hommes-vurt, ombres, hommes-machines, hommes-chiens, chiens-machines et zombies.

La narratrice de Pollen est une ombre et un flic. Dans un monde où les rêves sont devenus des lieux que tous peuvent visiter, elle souffre d'un manque génétique qui l'empêche de rêver mais lui permet de lire les pensées. Dans une ville ravagée par une épidémie mortelle de rhume des foins elle cherche à trouver l'origine du nuage de Pollen qui augmente en intensité au fil des heures.

L'histoire qu'elle nous raconte a de multiples facettes. C'est la quête d'une mère pour retrouver sa fille, la fuite d'une fille-taxi pour échapper à ceux qui la tiennent responsable de la mort de l'homme-chien qu'elle aimait, le retour du printemps sur la terre lorsque Proserpine quitte son époux et les Enfers pour retrouver sa mère Demeter. Tous se croisent et se rejoignent, s'allient ou se déchirent et nous entraînent à leur suite, de Manchester aux Limbes et plus loin encore, par delà les portes gardées par Cerbère, jusqu'aux Enfers pour y défier celui qui y règne.

Le livre commence par un éternuement de trois pages qui donne le rythme. On l'entend résonner tout au long du récit. L'atmosphère a le parfum entêtant d'une multitude de fleurs et la viscosité de la morve d'un chien atteint de rhume des foins. Pollen est une fable sombre et magnifique, la prose de Noon, poétique et envoûtante, fait corps avec son récit et nous engloutit tout entier. Au point que lorsque l'on en sort le bout du nez, on s'étonne de ne pas voir plus de monde éternuer.

Sophie GOZLAN

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