Theodore STURGEON
OMNIBUS
1184pp - 25,00 €
Critique parue en janvier 2006 dans Bifrost n° 41
Heureux le lecteur qui n'a jamais lu Sturgeon et va découvrir avec cet épais volume le meilleur de son œuvre. Mais existe-t-il quelqu'un qui ignore les superbes romans que sont Cristal qui songe et Les Plus qu'humains ? Un amateur de S-F serait-il passé à côté des chefs-d'œuvre que sont « L'Autre Celia », « Celui qui lisait les tombes », « L'Education de Drusilla Strange », « Sculpture lente », pour ne citer que quelques-unes des vingt-neuf nouvelles incluses dans ce recueil ? Qu'il se hâte, alors, de découvrir cet auteur aussi à l'aise dans le fantastique que la science-fiction, mais qui est avant tout un écrivain tout court. Ses thèmes, dont il explore les mille et une facettes, traitent toujours de la solitude, qu'elle soit celle de l'enfance, de la marginalité, de l'exclusion ou du rejet de l'étranger, de l'Autre dans sa différence. Profondément humains, tournés vers l'autre, les récits de Sturgeon sont à nuls autres pareils. Cette sensibilité est à chercher dans son enfance : « Argyll », le long texte autobiographique inédit en fin de volume, raconte qui fut son beau-père, ce que l'auteur eut à subir de sa part et de celle de sa mère, poignante évocation d'une enfance maltraitée dont les rêves étaient systématiquement brisés.
Cependant, malgré la qualité du choix des textes, cette compilation est une déception, car elle remplace l'édition américaine de Ted Williams de l'intégrale de Sturgeon, dont une sélection raisonnée, concoctée par Joëlle Wintrebert et René Beaulieu, était prévue en cinq volumes chez Flammarion, avant que le décès de Jacques Chambon ne remette tout en question. Nous restons donc avec ce seul omnibus, pâle reflet de l'énorme projet de départ, édition qui, si elle réunit d'excellents textes, ne propose aucune fiction inédite par chez nous, alors qu'on en connaît pléthore, et pas des moindres ! Dommage, oui, même si le présent volume, en dépit d'une couverture remarquable de laideur, n'en reste pas moins incontournable pour toute bibliothèque d'amateur éclairé.