Impressionnant pavé que cette épopée qui ne constitue que le premier volet d'une trilogie, L'Aube de la nuit. Peter F. Hamilton renouvelle avec bonheur le space opera : intrigue foisonnante, d'où le romanesque n'est pas absent, humour discret se moquant des conventions du genre.
Il est difficile de résumer un roman d'une telle ampleur et d'une telle richesse. Au troisième millénaire, la Confédération galactique de Hamilton se compose de quelques races extraterrestres (qu'on voit peu) et de deux types d'humanité : d'un côté les Edénistes, génétiquement modifiés, qui ont entre eux un lien d'affinité proche de la télépathie, de l'autre les Adamistes qui ont tenu à préserver leur patrimoine tout en améliorant leur corps à l'aide d'implants nanoniques.
Le premier volume développe plusieurs intrigues a priori séparées. Sur Tranquillité, un habitat spatial conscient dirigé par la séduisante Ione Soldana, Joshua Calvert, un aventurier, explore comme d'autres ce qui reste des Laymils, une race extraterrestre qui s'est collectivement suicidée bien avant l'expansion humaine. Il récupère des artefacts qui sont ensuite vendus aux enchères aux archéologues qui espèrent connaître la raison de cette disparition soudaine. Devenu riche pour avoir découvert des archives Laymils enregistrées sur une mémoire, Joshua, que Ione aime passionnément, se lance dans le commerce interplanétaire.
On suit parallèlement la colonisation d'une nouvelle planète, Lalonde, monde pluvieux et peu hospitalier, par des colons guère différents des pionniers de la conquête de l'Ouest et des Déps, délinquants utilisés comme main d'oeuvre. L'un d'eux, Quinn Dexter, appartenant à une secte satanique plutôt meurtrière, manipule la communauté et fait des autres délinquants des adeptes à sa cause. Se cache également sur Lalonde un Edéniste renégat, Laton, responsable de la disparition d'un habitat entier, qui prépare sa revanche en poursuivant des travaux visant à acquérir l'immortalité. Ses expériences ont-elles dérapé ou bien s'agit-il de l'invasion d'un virus extro comme il le prétend, ou encore d'un rite satanique qui provoque une catastrophe d'envergure sur Lalonde ? Les colons se transforment en zombis meurtriers, insensibles à la douleur, capables de se régénérer et de projeter des boules de foudre à distance.
Très vite, il s'avère que les morts échappent à leur purgatoire pour prendre possession du corps des vivants. Après la longue mise en place du premier volume, où l'intérêt est parfois affaibli par la complexité de l'intrigue et le foisonnement des personnages, on assiste à la terrifiante expansion des possédés à travers quelques scènes dantesques véritablement palpitantes. C'est la panique. Les militaires envoyés sur Lalonde échouent à enrayer la menace qui se répand sur d'autres mondes. Ce premier volet s'achève sur un véritable désastre qui augure mal de la pérennité de la race humaine.
Quelques espoirs subsistent puisqu'il est possible de les combattre, à grand renfort d'armes, voire de les dominer par la prière ! Bien des questions restent posées : les mémoires Laymils parlent d'une rupture dans le réel. Leur monde, qu'on n'a pas retrouvé, aurait été transféré là où se trouve la planète Lalonde. Il manque de faire le lien avec cette invasion de l'au-delà, de délivrer les explications concernant celle-ci et de trouver les moyens de s'en préserver. Les prochains volets, L'Alchimiste du neutronium et Le Dieu nu sont d'ores et déjà attendus avec impatience. L'Aube de la nuit figurera parmi les monuments de la science-fiction.
[Lire également l'avis de Pascal J. Thomas sur le premier tome.]