Quand l'une ou l'autre des multimondiales (entreprises-monstres assez puissantes pour faire terraformer des planètes entières à leur seul profit) a un problème sur l'un ou l'autre de ses mondes, quand les colons se font séditieux, indépendantistes ou menacent de grèves, bref quand ça merdouille à plein tube, la solution a pour noms Jeremee Althus et son fils Typhon. Le job de Jeremee ? Fabricant de religions ! Et croyez-le, rien de tel qu'un bon culte dogmatique pour ramener l'ordre là où le chaos règne. Ainsi Jeremee a-t-il fortement investi sur son fils Typhon, le dotant de petits « plus » nanotechnologiques lui permettant de réaliser miracle sur miracle. Le problème, c'est que sur un monde il n'y a de place que pour un seul et unique messie. Aussi quand le médium divin et son père prêcheur débarquent sur Rishèse, petite planète de seconde zone, il n'est pas question une seule seconde que Jeremee tolère la présence de ces deux femmes, Hada et sa fille Yami, des « sorcières » dotées de pouvoirs inexplicables. C'est le début de la croisade, une « guerre de religions » par miracles interposés, des démonstrations bien souvent meurtrières…
Typhon est un petit roman bâti sur une idée certes pas neuve mais néanmoins intéressante : la manipulation de masse par l'entremise du sentiment religieux, un canevas auquel l'aspect science-fictif, les nano-technologies en l'occurrence, confère un piment certain. A quoi l'auteur ajoute une dimension supplémentaire, celle de la lutte des croyances. L'erreur, sur ce type de sujet, aurait sans aucun doute été de résumer le combat entre les deux partis à une opposition Bien/Mal, un simple confit manichéen. Genefort a globalement évité l'écueil et c'est tant mieux. En effet, ici ce n'est pas tant Bien et Mal qui s'affrontent par l'entremise de Jeremee et Hada (bon, d'accord, un peu quand même…), mais plutôt Technologie et Nature. Certains pourraient même pousser plus loin le bouchon en affirmant que Genefort oppose les forces progressistes (capitalistes, colonialistes, etc), aux volontés sinon passéistes, pour le moins conservatrices (la tradition, l'état de nature, etc). Un propos qui n'est donc pas si simple qu'il y paraît.
Si Typhon est un roman à la lecture aisée qui atteint parfaitement son but, divertir le lecteur, on se permettra toutefois d'émettre un léger bémol. Le texte est court — sans toutefois parler de novella. Ce n'est évidemment pas un problème en soit quand une œuvre est conçue pour et possède une densité narrative en adéquation avec son format. Ce n'est que partiellement le cas de Typhon. Aussi certaines scènes, du fait d'une absence de profondeur (descriptive et narrative), manquent singulièrement de relief. On reste froid, certes attentif car l'histoire ne manque pas d'attrait, mais en aucun cas transporté, véritablement passionné. Idem pour les personnages qui, s'ils sont attachants, ne sont en définitives que grossièrement brossés. D'où un manque quasi total d'identification de la part du lecteur, une distanciation certaine (une particularité évoquée à maintes reprises en ces pages à propos de Laurent Genefort).
Reste un roman agréable à défaut d'être captivant (il aurait pu l'être !), certes plus réussi que Le continent déchiqueté (au Fleuve Noir et chroniqué plus haut), mais encore en dessous de ce que l'auteur a déjà fait et fera à coup sûr dans l'avenir.