Michael MOORCOCK
L'ATALANTE
192pp - 12,50 €
Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23
Le Christ, vous connaissez ? Ça m'étonnerait ! Enfin, si vous le dites… Vous savez donc qu'il était juif…
Oui, bien sûr !
… et londonien, né dans la première moitié du siècle dernier — le XX° — connu de l'état civil britannique sous le nom de Karl Glogauer et homosexuel occasionnel. Qu'il arriva donc en Palestine dans les années 30 à bord d'un chronoscape hors d'usage, conformément à la prophétie ainsi que le lui révéla Jean-Baptiste, chef d'une secte essénienne se demandant bien comment il allait pouvoir bouter le Romain hors de Palestine…
Roman iconoclaste par excellence, Voici l'Homme est à replacer dans le contexte historico-littéraire de la fin des années 60. Il est certain qu'aujourd'hui son impact sera moindre qu'à l'époque et pourrait même paraître relativement soft à un jeune public. Par exemple, que le Christ ait eu des relations homosexuelles ne choquera plus de la même manière ; le parfum de scandale s'est évaporé, dissous dans l'évolution des mentalités. Voici l'Homme est donc très proche de la littérature dite générale. Hormis l'outil qu'est le voyage dans le temps, ce n'est pas de la S-F. Construit tout en flashes-back qui promènent le lecteur du passé — le Londres des sixties — au présent — la Palestine de l'an 30 —, c'est un roman facile d'accès, contrairement au cycle « Jerry Cornélius » ou à La Défonce Glogauer, l'autre roman ou Karl apparaît, sans toutefois y être mis en Cène (« Titres SF », Lattès — 1981). Centré sur l'exposition de la personnalité complexée et névrosée de Glogauer, la castration par la mère conduisant à une recherche du masochiste et du martyr est le thème central de ce roman, un thème bien peu S-F. Voici l'Homme se rapproche par nombre d'aspects d'En direct de Golgotha (Fayard) de Gore Vidal qui était, lui, franchement humoristique là où le livre de Moorcock se teinte d'une ironie narquoise mais non moins tranchante.
À moins d'être un cul-bénit, il faut lire Voici l'Homme. Le lire pour ce qu'il vaut, bien sûr, mais aussi comme un œil jeté sur son époque, car c'est un témoignage flamboyant de ce qu'a pu être la contre-culture. Un grand Moorcock qui n'était plus disponible depuis des lustres s'offre de nouveau à nous, profitons-en.