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Les critiques de Bifrost

Wonderful

Wonderful

Sabrina CALVO
J'AI LU
317pp - 7,00 €

Bifrost n° 23

Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23

Lisez ce roman. Trois mots. Les seuls valables.

D'une case à l'autre, le décor a changé. La souris a maintenant projeté sa brique, que le chat reçoit ; il y avait un mur, il y a des arbres. Ça n'a pas d'importance : le mur s'arrêtait au milieu de nulle part, sans plus de raison. Les années 20 : Georges Herriman dessine des planches où une souris tente de lancer des briques sur un chat amoureux d'elle, un chien policier défend le chat, seuls les éléments du décor nécessaires au gag persistent. La vérité du comics se concentre sur le triangle amoureux formé par la souris Ignatz, le chat Krazy Kat, le chien policier. Tout le reste est accessoire. La vie appréhendée par la focale de l'absurde, des questions sans réponse, des sentiments.

David Calvo place une autre mécanique au centre de son roman : celle du système solaire. La Lune tombe sur la Terre. Rien à faire. Une transgression a été commise, se commet, un meurtre ; Newton avait compris que le ballet des planètes pouvait se détraquer, les planètes ont des sentiments. Écoutez Holst, la Symphonie des Planètes. La puissance aveugle des sentiments, la spirale, le néant.

Pas d'absurde sans le néant.

David Calvo expérimente : donnez à vos personnages une durée de vie limitée par la fin du monde, laissez-les effleurer le sublime, anéantissez tout espoir de compréhension. Laissez-les courir, délirer, crever ; ces personnages, c'est un bout de vous-même. La fin du monde pour le roman, la fin de soi pour l'écrivain.

Estimer que le titre, Wonderful, relèverait d'une ironie cruelle ne tient pas. La haine, le vertige, l'auteur les transcende par de l'amour, tout l'amour contenu dans les fibres de son cœur qu'il presse… De l'amour pour ses personnages, de l'amour pour le sacrifié, de l'amour pour ses lecteurs.

Il sait que ses personnages vont mourir de sa main, que le David Calvo qui a écrit ce roman ne lui survivra pas, que les lecteurs, la dernière page lue, poseront Wonderful. Dans un cartoon, les créatures folles de Tex Avery tutoient la mort sans jamais en faire l'expérience, tout au plus subissent-elles un expression graphique de leur déconfiture, les carottes ne sont cuites que lorsque surgit That's all, folks !, l'annonce du néant.

Pourquoi de l'amour ? Crime passionnel.

Il vous manipulera. Vous pleurerez.

Al' DUROU

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