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Les critiques de Bifrost

Zoé

Zoé

John SCALZI
L'ATALANTE
384pp - 19,90 €

Bifrost n° 56

Critique parue en octobre 2009 dans Bifrost n° 56

John Scalzi est un jeune auteur éminemment sympathique et terriblement moderne. Pionnier de la « blogosphère », il a déjà obtenu deux prix Hugo pour son travail autour du site Whatever (whatever.scalzi.com) et en particulier ses réflexions sur la mutation du métier d'écrivain au temps du numérique. Son enthousiasme communicatif, ses admirations sincères, sa jubilation à maîtriser chaque fois de nouveaux tours littéraires et à apporter sa touche personnelle aux motifs classiques de la science-fiction, transparaissent dans tous ses romans et justifient à eux seuls une plongée dans l'univers du Vieil homme et la guerre. Mais chaque médaille a son revers, et un tel auteur ne pouvait sans doute que céder à la mode des trilogies en cinq volumes…

Le cycle du Vieil homme…, donc, ce sont d'abord trois histoires indépendantes, contées du point de vue de John Perry. Celui-ci acquiert d'abord, dans le roman qui donne son nom à la série, un corps tout neuf et une solide expérience de combattant sur des planètes lointaines (l'hommage au Starship Troopers de Robert Heinlein est explicite) ; puis, successivement, l'amour d'une compagne plus létale que lui encore, Jane Sagan, et d'une fille adoptive, Zoé, dans le second tome, Les Brigades fantômes ; et dans le troisième, La Dernière colonie, le recul et la conscience politique qui parachèvent le personnage.

Car Scalzi procède par couches successives, et chaque volume répond en partie aux objections que la critique pouvait opposer au précédent. Difficile de lui en tenir rigueur tant qu'il s'agit d'enrichir son univers et d'en consolider la cohérence interne. L'exercice est plus discutable lorsqu'il se fait purement stylistique, comme dans The Sagan Diary (Subterranean Press, 2007 ; inédit en France), qui reprenait les événements des Brigades fantôme du point de vue de Jane et se révélait pratiquement incompréhensible, lu isolément.

À son tour, le cinquième volume de la série (ou le quatrième, si on oublie The Sagan Diary), Zoé, vient reprendre et compléter la narration de La Dernière colonie, cette fois du point de vue de Zoé. Moins ambitieux, l'exercice est aussi plus réussi. La voix de la jeune fille, lointaine cousine de la Podkayne, fille de Mars de Heinlein, sonne raisonnablement juste. Zoé mêle des préoccupations d'adolescente — les premiers émois, les amitiés forcément éternelles, la dépendance au portable — aux enjeux stratégiques galactiques : ses parents adoptifs viennent d'être désignés comme leaders d'une nouvelle colonie planétaire créée par l'Union Coloniale, dominée par les Terriens, en dépit de l'interdit posé par le redoutable Conclave.

Les trouvailles dont Scalzi sait agrémenter ses fictions sont au rendez-vous, et sa créativité en matière de races extraterrestres ne se dément pas. C'est avec plaisir qu'on découvre plus avant les Obins à la conscience de soi débrayable, aux allures d'araignée mâtinée de girafe et aux noms improbables (comme Pirouette et Cacahuète, les gardes du corps de la jeune héroïne), auxquels la sobre couverture de Didier Florentz rend assez bien justice.

Sympathique et imaginatif, le résultat n'aurait pas déparé dans une collection jeunesse (aux côtés de La Guerre spéciale de Xavier Mauméjean, par exemple, chez Mango « Autres mondes » ?), et gageons que les inconditionnels de Scalzi y trouveront sans doute leur compte. Mais pour la même histoire, ou presque, ceux des lecteurs adultes de l'Atalante qui ne connaissent pas encore la trilogie principale préféreront sans doute investir dans La Dernière colonie.

Éric PICHOLLE

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