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Les critiques de Bifrost

Zoo City

Lauren BEUKES
ECLIPSE
352pp - 18,00 €

Critique parue en octobre 2011 dans Bifrost n° 64

Dans le flot de nouveautés que charrient chaque mois les éditions Eclipse, entre deux zombies avariés et trois vampires périmés, se cachent régulièrement quelques jolies pépites qui méritent d’être découvertes. Zoo City, deuxième roman (et premier traduit en France) de la Sud-Africaine Lauren Beukes, récompensé l’an dernier par le Arthur C. Clarke Award, en fait partie sans l’ombre d’un doute.

Zinzi est une jeune femme au parcours chaotique. Ex-journaliste, ex-junkie, elle vit au jour le jour en prenant part à des arnaques minables via Internet pour soutirer de l’argent à quelques gogos suffisamment crédules, et en se servant à l’occasion de son don qui lui permet de retrouver les objets perdus. Signe particulier : Zinzi est une animalée, c’est-à-dire qu’où elle aille et quoi qu’elle fasse, elle est accompagnée en permanence d’un animal, en l’occurrence un paresseux, dans lequel elle voit le stigmate vivant de sa responsabilité dans la mort de son frère. Dans l’univers de Zoo City, du nom du quartier de Johannesburg où ils ont été relégués, ils sont nombreux, criminels ou paumés, à vivre ainsi en symbiose avec un singe, une mangouste ou un vautour. On ignore l’origine du phénomène. Certains le font remonter aux années 80, lorsqu’un seigneur de guerre afghan a commencé à apparaître en public accompagné d’un pingouin. D’autres parlent d’accident nucléaire, ou d’épidémie virale, à moins que ces créa-tures ne soient les réincarnations de proches disparus.

Original, l’univers de Zoo City emprunte autant à la fantasy urbaine qu’au cyberpunk. D’un côté on a des phénomènes magiques, auxquels aucune explication précise ne sera apportée. De l’autre, un monde contemporain où la misère la plus noire côtoie l’opulence la plus obscène. Guidé par Zinzi, qui a connu ces deux univers, on passe sans transition des boîtes de nuit les plus branchées aux bas-fonds les moins fréquentables, des zones ultra-sécurisées réservées à une élite aux quartiers insalubres où l’on meurt rarement dans son sommeil. Pas le genre de lieu où l’on aimerait s’installer, mais pourtant une ville extraordinairement vivante, débordante d’énergie, ce que rend à la perfection l’écriture de Lauren Beukes (et la traduction de Laurent Philibert-Caillat est au diapason).

Dans le rôle de la narratrice, Zinzi se révèle très vite être un personnage particulièrement attachant. C’est une jeune femme complexe qui trimballe un lourd passé. Un peu minable et paumée dans un premier temps, son sens moral anesthésié par des années de galère, elle va progressivement sortir la tête de l’eau et réapprendre, parfois de façon brutale, que chacun de ses actes a des conséquences, sur les autres comme sur elle.

Seule petite faiblesse du roman : son intrigue. Zinzi est amenée à enquêter dans le milieu de la musique et à se lancer à la recherche d’une pop star disparue. Prétexte dans un premier temps à aborder Johannesburg sous ses différentes facettes, elle s’emballe dans la dernière partie du livre et culmine dans un invraisemblable capharnaüm où une truie ne retrouverait pas ses petits. Malgré cela, Zoo City constitue une lecture des plus enthousiasmantes, et Lauren Beukes atterrit illico sur la liste des auteurs à suivre de très près. On ne serait d’ailleurs pas fâché de voir traduit Moxyland, son premier roman, en attendant la suite.

Philippe BOULIER

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