Martha WELLS
L'ATALANTE
506pp - 23,00 €
Critique parue en janvier 2007 dans Bifrost n° 45
Le royaume d'Île-Rien, que le lecteur a appris à connaître au travers des romans La Mort du nécromant et Le Feu primordial, tous deux disponibles chez l'Atalante (séance de rattrapage obligatoire pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce monde où se mêlent magie et industrialisation), va connaître la défaite. Incapable, depuis trois années, de faire face à la menace des Gardiers, le royaume est sur le point de s'effondrer, et sa capitale, Vienne, à la veille d'être investie par les forces ennemies. Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, un seul espoir demeure : détruire la base secrète à partir de laquelle agissent les Gardiers afin de briser leur élan victorieux. Une mission de la dernière chance est donc confiée à un commando improvisé. Hélas, ce ne sont même pas douze salopards qui sont rassemblés. Non, juste une jeune fille tourmentée (bâillement poli), nièce adoptive du très grand magicien Arisilde et fille du non moins célèbre Nicholas Valiarde (ça, c'est son côté people), accompagnée de son oncle, le magicien Gérard (plus facile à mémoriser que Gandalf), d'une apprentie sorcière (même pas glamour avec sa robe de chambre) et d'un militaire de service (bien entendu, le doigt sur la couture du pantalon). Evidemment pourvu d'une arme secrète — une sphère à la magie surpuissante mais au mode d'emploi et au fonctionnement mystérieux —, le groupe n'a pas anticipé (surprise !) une évolution imprévue de sa mission au cœur du monde parallèle où les Gardiers ont installé leur base. Les autochtones qui y vivent, certes primitifs, haïssent et tuent les sorciers…
Autant ne pas tergiverser : on s'ennuie ferme à la lecture de ce roman qui s'annonce de surcroît comme le premier volet d'une trilogie. S'il y a une magie qui fonctionne à plein régime dans Chasseurs de sorciers, c'est bien la faculté de l'auteur à rendre son récit interminable, ce qui énerve grandement. Certes, on peut affirmer de façon diplomatique que cette fantasy de Martha Wells n'est pas dépourvue, à l'occasion, de quelques idées qui suscitent, ponctuellement, un intérêt… aléatoire. On peut ajouter qu'il existe un potentiel non exploité et que, dans le doute, il faudrait peut-être lire le deuxième, puis le troisième volet (soyons fou) de cette trilogie pour émettre un avis définitif. Mais voilà, nous ne sommes pas diplomates, à Bifrost, et nous n'aimons pas gaspiller notre temps. Aussi nous permettra-t-on d'aller droit au but : ce roman est médiocre. L'intellect y est anesthésié par une intrigue désespérément molle, que dis-je, complètement amorphe, portée par une narration dénuée de souffle et des situations elles-mêmes avachies. Que reste-t-il pour réveiller l'intérêt ? Pas grand-chose à vrai dire, puisque l'émotion est tuée par des personnages insipides qui ne suscitent pas une once d'empathie de la part du lecteur. En fait, en dehors de cet ennui déjà évoqué, on n'éprouve aucun frisson en lisant ce roman, et la concentration cède inexorablement la place à l'agacement devant la banalité, la superficialité des états d'âme des personnages et des ressorts dramatiques. L'histoire ne fonctionne pas : on se regarde lire en espérant voir la fin arriver le plus vite possible.
Bref, un conseil : lisez Aquaforte de K. J. Bishop — la bonne pioche du moment, chez l'Atalante — si vous souhaitez une fantasy hors du commun (dixit la quatrième de couverture de Chasseurs de sorciers), ou si vous désirez vous immerger dans un monde dense et envoûtant, traversé par des personnages dotés d'une psychologie complexe. Une lecture qui génère une vraie émotion, celle qui vous empêche de lâcher le morceau et vous poursuit longtemps une fois la dernière page tournée. Tout ce que n'est pas Chasseurs de sorciers, en somme.