Il ne faut pas jouer avec les enfants
(2010)
Dans la rue, les bâtisses ont des allures de concierges accroupies. Leurs faciès sont couturés de cicatrices et leurs bouches édentées exhalent des soupirs.
Tapies à croupetons dans des allures obscènes, loqueteuses, tavelées et soutenues de béquilles, elles cèlent dans une étreinte secrète un monde de cerveaux pourris à leur image.
Dans la rue, Marieke joue. L’enfance est reine et fait des plus pauvres lieux son royaume.
Dans la rue, Marieke joue.
Au-dessus de sa tête — qu’elle tient renversée en arrière, avançant en aveugle, un de ses jeux favoris —, le ciel en éruption écoule lentement sa lave.
Un bruit de pas. L’enfant redresse vivement la tête. Une grosse femme la croise en la dévisageant, l’air désapprobateur.
Marieke est jeune et belle. Treize ans. Encore enfant, déjà femme. Elle fait un pied de nez à la matrone, tire sur son pull trop court comme tout ce qu’elle possède — elle a beaucoup grandi ces derniers temps — et s’engouffre dans un nouveau jeu.
Extrait du livre La Créode et autres récits futurs.