La Journée de la guerre
(2010)
« Non ! Je vous en supplie, pas elle ! »
Murmure. Il n’a plus de cris. Trop de douleur. Sa voix s’est cassée. Dans sa bouche, le goût du sang, âcre, rouillé.
Le grand sans oreilles se penche sur lui. C’est le pire : il affecte d’être gentil. Il secoue toujours la tête d’un air affligé quand ses acolytes torturent.
« Pas elle ? dit sa voix douce. D’accord. Mais tu nous dois des réponses. »
Idris s’agite dans ses liens. À quoi bon répéter pour la millième fois qu’il ne sait rien, qu’il ignore jusqu’au sens de leurs questions. Il répète, pourtant. De sa voix qui s’est cassée. Son chuchotement a la force d’un cri.
Peine perdue. Ils se sont mis à trois. Devant lui, ils la violent. Sa fille, sa Leïda, son bébé, la chair de sa chair. Onze ans à peine.
Il voudrait être aveugle. Il voudrait être sourd. Il voudrait être mort. Jamais avant ce jour il n’avait imaginé la mort comme une délivrance. La fin de ce qui n’est pas supportable. Est-il lâche de souhaiter le néant ?
Extrait du livre La Créode et autres récits futurs.