La guerre des mondes selon Wells n'aura pas lieu. Les armes économiques sont bien plus redoutables pour conquérir un adversaire, comme en témoigne ce roman très humoristique. Comment, en effet, Johnson Mukerjii saurait-il sauver sa société conceptrice d'un écran holographique quand des extraterrestres se présentent avec des produits cent fois plus performants ? La Terre se débarrasse un peu vite de ses possessions en échange de secrets industriels que sa technologie est incapable de fabriquer, voire de comprendre. La récession provoque l'effondrement de la Bourse.
Mukerjii ne peut se refaire qu'en se battant sur le même terrain : il conçoit un gadget pour vaisseaux spatiaux, aussi ridicule que promu à un brillant avenir, qui intéresse les riches touristes aux yeux pédonculés. Tout en démontant les mécanismes du capitalisme d'entreprise, Greg Costikyan raconte avec jubilation les aventures échevelées de son P.D.G. poursuivi par une pléiade de plaignants, avocats, militaires, gouvernements et hommes d'affaires.
Il est dommage qu'une farce aussi réussie repose sur un argument peu crédible, le gadget qu'invente Mukerjii pour réussir sa reconquête économique, un porte-boissons à fixer au mur au moyen d'une ventouse pour ne pas laisser flotter sa consommation dans le vaisseau ; en effet, on peine à croire que des civilisations extraterrestres disposant ailleurs de l'anti-gravité comme de la gravité artificielle n'aient pas songé à installer celle-ci sur leurs moyens de transport.
Hormis ce défaut, on est enchanté par cette farce caustique, dont les sarcasmes n'épargnent rien ni personne. La location d'un stand à une foire-exposition interstellaire est un morceau d'anthologie.
Issu de l'univers du jeu de rôle, Greg Costikyan confirme sa réputation d'auteur déjanté aussi brillant qu'hilarant. Avec $pace O.P.A., il se glisse d'emblée à la hauteur d'un Sheckley.