Si les lois sur le copyright me l'avaient permis (et mon rédac' chef, aussi, ce qui est une autre paire de manches car il est beaucoup plus dangereux que la plus vicieuse des lois sur la propriété intellectuelle), c'est avec un immense plaisir que j'aurais reproduit ci-après l'intégralité de l'avant-propos de Thomas Gunzig sobrement intitulé « Petite introduction en guise de justification », ce texte de cinq pages étant la plus belle déclaration d'amour au cinéma d'horreur qu'il m'ait été donné de lire. Si belle, que d'un coup je me dis que les gens qui n'aiment pas les films d'horreur, et souhaiteraient les voir disparaître des vidéoclubs et des chaînes satellites, sont des terroristes, des criminels de mauvais goût et probablement des êtres instables qu'il conviendrait de surveiller étroitement.
Allez, inutile de résister, un petit extrait de cette « Petite introduction en guise de justification » : « De cette époque bénie pour la formation de l'imaginaire, je me souviens de quelques chocs telluriques dont les concrétions solides sont encore aujourd'hui présentes, pareilles à des cicatrices dont on serait fier. Je me souviens du Suspiria de Dario Argento, les images étaient sombres, le sang était d'un noir épais ou d'un improbable rouge orangé. Je me souviens de la musique des Goblins. Je me souviens de mon premier rape and revenge : La Dernière maison sur la gauche et de La Colline a des yeux de Wes Craven. La plus belle révélation pour nos petits esprits, c'était que tout était possible, tout était faisable, tout était montrable et surtout que rien n'était interdit. » (page 7)
Après ce superbe avant-propos commence le livre (c'est-à-dire le massacre) : cinq jeunes crétins, aussi passionnants qu'un jeu télévisé, décident de passer le week-end dans une cabane pourrie, perdue au bord d'un lac. Il y a Patrice, chimiste puceau dont la sœur a disparu des années plus tôt dans la même cabane ; JC, le beau gosse plein aux as dont le principal projet pour le week-end sera d'arriver, enfin, à sodomiser sa copine Kathy (archétype, quant à elle, de la pétasse estudiantine superficielle), et il y a Marc et Ivana, un gentil couple (avec arbalète) un peu paumé dans cette galère. Et, dehors, rôde quelqu'un ou quelque chose de bien décidé à…
Comme dirait l'autre : « Ça va cogner fort, ça va aller vite et nul n'en sortira indemne. »
10 000 litres d'horreur pure, qui aurait pu aussi s'appeler « 250 pages de plaisir coupable pour fans d'Evil Dead et clones de Kevin Williamson », se dévore, à tel point que, hop, une fois arrivé au générique de fin, on rembobine le slasher pour se repasser les meilleurs passages au ralenti, une relecture-gourmandise par ci, un petit échantillon sanguin par là. Evidemment, ce n'est pas exempt de défauts (Gunzig a un péché mignon : surdoué de l'écriture, il cède facilement à la facilité), ni de coquilles. Par ailleurs, Gunzig n'aime pas finir ses romans, alors il les finit un peu « à la va comme je te pousse dans les escaliers pleins de clous à tétanos », en se disant probablement un truc du genre : « Sur un malentendu, ça devrait passer. »
Mais en fait tout cela importe peu, voilà un livre (malin, très malin) qui n'est pas d'une ambition folle, mais qui réserve du plaisir, un vrai et grand plaisir de lecture.
Thomas « Evil » Day