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Les critiques de Bifrost

Critique parue en janvier 2024 dans Bifrost n° 113

2001, le chef-d’œuvre d’Arthur C. Clarke, brasse un nombre énorme de thématiques / sous-genres / tropes SF, surtout vu sa relative brièveté. Deux se démarquent : l’évolution de notre espèce depuis la pré- jusqu’à la post-Humanité ; l’intervention de deux IA dans le processus — une d’origine extraterrestre, qui l’initie ; l’autre fabriquée par les humains, qui est bien près d’y mettre un terme, au moins temporaire. Tout commence il y a trois millions d’années quand, en Afrique, un Monolithe cristallin apparaît : c’est le substrat d’une IA alien, qui teste la vie partout dans la galaxie et y favorise l’apparition de l’intelligence et de la conscience. Jugeant les hommes-singes dignes, le Monolithe manipule leurs gènes et leur cerveau, les lançant dans une évolution qui aboutira à l’Homo Sapiens. En 1999, ce dernier, qui a colonisé la Lune, trouve un puissant champ magnétique dont la source est ensevelie et déterre un autre Monolithe qui, exposé pour la première fois au soleil depuis son enfouissement, émet un signal vers Saturne (Jupiter dans le film de Kubrick). Deux ans plus tard, le vaisseau Discovery fait route vers la géante an­nelée : à son bord, trois scientifiques en hiber­nation, deux pilotes qui ne sont pas dans le secret, et surtout une IA, HAL 9000 qui, elle, l’est. La machine va commencer à manifester un comportement de plus en plus perturbé, semblant se tromper, mentant, virant paranoïaque, avant de sombrer dans une folie meurtrière.

Les autres volumes du cycle permettent de mieux prendre la mesure des disparités entre ces deux IA : bien que le Monolithe dispose de facultés technologiques inimagi­nables, il est seulement intelligent, pas con­scient ; c’est une Intelligence Artificielle au sens strict du terme, pas une Intelligence-Conscience Artificielle comme HAL. C’est d’ailleurs cette conscience qui est à l’origine des événements tragiques du Discovery : dans 2010, on découvrira que le comportement de HAL n’est pas dû à un dysfonctionnement ou à une nature fondamentalement mauvaise, mais à un conflit entre deux ordres impératifs contradictoires, que la machine a tenté d’interpréter au mieux mais qui a fini par créer une spirale dont elle n’a su s’extraire. L’IA n’est pas un monstre mais la victime d’une erreur humaine, qui n’a pu qu’aboutir à ces funestes con­séquences précisément parce que la machine était dotée d’une conscience et qu’elle a voulu accomplir son devoir… à tout prix. On remarquera cependant que celle-ci ne l’empê­che pas de tuer, alors qu’au contraire, le Monolithe, quand il supprime accidentellement un des hommes-singes lors de ses tests, semble en être profondément  perturbé… alors même qu’il est juste in­telligent, pas conscient.

Référence en matière de psy­chologie, pour ne pas dire psychiatrie, des IA, 2001, paru en VO en 1968, ne sera dépassé, sur ce plan, que par Latium de Romain Lucazeau en… 2016 !

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