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Les critiques de Bifrost

2034

James STAVRIDIS, Elliot ACKERMAN
GALLMEISTER
384pp - 23,80 €

Critique parue en octobre 2024 dans Bifrost n° 116

[ Ce billet porte sur 2034 et 2054 ]

Quand 2034, le premier roman de cette trilogie annoncée (on parle d’un 2074), a été publié aux États-Unis pour la première fois, Donald Trump quittait le pouvoir bien malgré lui. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les relations de son pays avec la Chine s’étaient quelque peu tendues sous son mandat — une situation diplomatique crispée qui sert de point de départ à notre duo d’auteurs, Elliot Ackerman et l’amiral James Stavridis. Dans une zone maritime revendiquée par la Chine, mais non reconnue par la communauté internationale, une patrouille américaine tombe sur un bateau en difficulté. Patatras : l’intervention qui s’en suit engage les deux pays, et d’autres avec eux, dans une mécanique délétère qui semble bientôt inarrêtable — il sera vite question d’arme nucléaire. Si l’existence d’un deuxième tome rassure quant à l’issue finale du conflit, les morts vont néanmoins bientôt se compter en millions…

Avec ces deux récits, on est dans le thriller chirurgical (comme les frappes et leurs cortèges de décès), à grand renfort de dates et d’heures G.M.T. indiquées à chaque changement de protagoniste. On est aussi dans le militaire : ce sont ces femmes et ces hommes qui sont aux premières loges, et leur patriotisme est (bien sûr !) à toute épreuve. Ils vivent pour leur pays, ont de leur devoir une représentation idéalisée. Mais le politique (comme toujours !) vient régulièrement compliquer les choses. Et les ambitions des uns ou des autres peuvent avoir des conséquences terribles. Bref, du très anxiogène, tant tout cela nous apparaît finalement assez crédible — il suffit de constater à quelle vitesse notre actualité peut changer, et pas qu’en bien.

Pour le reste, ce sont beaucoup de stéréotypes et de mécaniques narratives aussi huilées que prévisibles. Sans même parler d’un biais politique qu’on qualifiera pudiquement de très fort (l’incendie du Reichstag, par exemple, est présenté sans sourciller comme l’œuvre des communistes, une version pour le moins contestée de nos jours par quantité d’historiens) et très « militaire américain pétri de certitudes », surtout dans 2054. Le style, lui, s’avère banal et sans relief. À l’instar des personnages, en définitive, qui peinent à exister face à la dramaturgie des circonstances, tels de vulgaires mannequins disposés çà et là aux seules fins d’un scénario catastrophe. Leurs motivations sont souvent trop schématiques, et certaines scènes censées les humaniser tombent à plat. Reste un ensemble lisible, certes, mais qui ne marque que par quelques images chocs et le déroulé d’une apocalypse annoncée. À réserver aux amateurs, donc, fans de Roland Emmerich et autres lecteurs d’anticipation militariste désireux de se faire peur — si tant est qu’ils aient besoin de ces deux bouquins pour ça…

 

 

 

Raphaël GAUDIN

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