Couve Elbron
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Découvrez la couverture finalisée de Elbrön, nouveau roman de Thierry Di Rollo à paraître le 20 septembre.
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Spider-Man de retour au cinéma, c'est l'occasion de lire ou relire l'article qu'avait consacré Philippe Paygnard à l'Homme-Araignée dans la rubrique "Super les héros !" du Bifrost 28 !
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Tau Zéro version numérique a été mis à jour, téléchargez cette nouvelle version gratuitement depuis votre bibliothèque numérique.
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La nouvelle Faire des algues de Jérome Noirez parue dans le Bifrost 64 est finaliste du prix Rosny Aîné. A cette occasion, téléchargez gratuitement la nouvelle en PDF !
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En complément au guide de lecture officiel George R.R. Martin du Bifrost 67, découvrez sur le blog Bifrost le guide de lecture officieux !
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Le Bifrost 67 spécial George R. R. Martin est désormais disponible en version papier et numérique, sur belial.fr et dans toutes les bonnes librairies !
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[Critique commune à Skin Trade et Le Volcryn.]
En mai 2010, d'abord, puis en février 2012, les éditions ActuSF ont eu la bonne idée, commercialement parlant, de publier deux novellas de George R. R. Martin, Le Volcryn d'abord, puis Skin Trade.
Le premier texte, Le Volcryn (qu'on nous assure révisé par Ayerdhal — on frémit à l'idée de ce que ça devait être à l'origine, parce qu'en l'état, c'est loin d'être glorieux…) est un huis-clos, un survival horror dans un vaisseau lancé à la rencontre d'une énigmatique civilisation extraterrestre. Cette novella datant de 1980, et qui a connu une adaptation cinématographique de bien triste réputation, s’avère très étrange : incroyablement datée par certains aspects (on pense à des classiques de Robert Heinlein, notamment), et assez moderne par ailleurs. Il y est pas mal question de psychanalyse et (donc) de sexe. De nos jours, après Alien au cinéma, Vision aveugle en librairie, il est très difficile de trouver beaucoup d'intérêt à ce jeu de massacre poussif dont les ressorts scénaristiques sont usés depuis au moins deux, sinon trois décennies. Ni l'écriture ni la construction de ce Volcryn n'évoquent le George R. R. Martin des grandes heures, et l'aventure ressemble avant tout à un de ces sympathiques films d'horreur de série B où une bande d'ados se fait trucider, un par un, œuvre d'un inconnu qui, au final, se révèle pas si inconnu que ça. Lisible, sans aucun doute, mais déjà sans grande originalité au moment de sa prime parution, Le Volcryn est anecdotique, surtout si on le compare à « Une chanson pour Lya » ou « Les Rois des sables », qui font sensiblement la même longueur. Quant au choix du titre français : tout faux… il spoile la révélation finale et passe à côté des véritables enjeux du texte promettant un « premier contact » que l'auteur évite, ou presque.
Relevant purement et simplement de la littérature de divertissement, Skin Trade se révèle tout de suite plus intéressant, même si l'ensemble est un colosse aux pieds d'argile ne résistant guère à une étude attentive de son scénario (sans parler de la fin, qui, justement, n'en est pas une, le curseur narratif semble s'être arrêté aux deux tiers de l'histoire). Mais peu importe, le plaisir est ailleurs.
Willie, agent de recouvrement et loup-garou tueur d'écureuils, apprend la mort violente de son amie Joan, handicapée, mais loup-garou elle aussi (louve-garou ?). Il engage alors une de ses connaissances, Randi, pour mener l'enquête. Mais la détective privée a un lourd secret : son père policier a été mutilé par une bête féroce sur laquelle il a vidé son chargeur sans succès…
Skin Trade est un pulp (ce que n'a visiblement pas bien compris la traductrice), un pulp sincère, malin, plein de clichés contournés, assumés, détournés. Comme dit précédemment, cette lecture ne tient pas des masses d’un point de vue scénaristique, mais qu’importe, on se laisse prendre par l'aventure qui évoque un classique du genre : le sous-estimé Wolfen de Whitley Strieber (auteur qui n'a pas écrit que des idioties sur les enlèvements extraterrestres). Skin Trade aurait pu être un bon roman de série B. Allons plus loin : ça aurait dû être un vrai roman. En l'état, ce n'est qu'un chouette divertissement inabouti.
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[Critique commune à Skin Trade et Le Volcryn.]
En mai 2010, d'abord, puis en février 2012, les éditions ActuSF ont eu la bonne idée, commercialement parlant, de publier deux novellas de George R. R. Martin, Le Volcryn d'abord, puis Skin Trade.
Le premier texte, Le Volcryn (qu'on nous assure révisé par Ayerdhal — on frémit à l'idée de ce que ça devait être à l'origine, parce qu'en l'état, c'est loin d'être glorieux…) est un huis-clos, un survival horror dans un vaisseau lancé à la rencontre d'une énigmatique civilisation extraterrestre. Cette novella datant de 1980, et qui a connu une adaptation cinématographique de bien triste réputation, s’avère très étrange : incroyablement datée par certains aspects (on pense à des classiques de Robert Heinlein, notamment), et assez moderne par ailleurs. Il y est pas mal question de psychanalyse et (donc) de sexe. De nos jours, après Alien au cinéma, Vision aveugle en librairie, il est très difficile de trouver beaucoup d'intérêt à ce jeu de massacre poussif dont les ressorts scénaristiques sont usés depuis au moins deux, sinon trois décennies. Ni l'écriture ni la construction de ce Volcryn n'évoquent le George R. R. Martin des grandes heures, et l'aventure ressemble avant tout à un de ces sympathiques films d'horreur de série B où une bande d'ados se fait trucider, un par un, œuvre d'un inconnu qui, au final, se révèle pas si inconnu que ça. Lisible, sans aucun doute, mais déjà sans grande originalité au moment de sa prime parution, Le Volcryn est anecdotique, surtout si on le compare à « Une chanson pour Lya » ou « Les Rois des sables », qui font sensiblement la même longueur. Quant au choix du titre français : tout faux… il spoile la révélation finale et passe à côté des véritables enjeux du texte promettant un « premier contact » que l'auteur évite, ou presque.
Relevant purement et simplement de la littérature de divertissement, Skin Trade se révèle tout de suite plus intéressant, même si l'ensemble est un colosse aux pieds d'argile ne résistant guère à une étude attentive de son scénario (sans parler de la fin, qui, justement, n'en est pas une, le curseur narratif semble s'être arrêté aux deux tiers de l'histoire). Mais peu importe, le plaisir est ailleurs.
Willie, agent de recouvrement et loup-garou tueur d'écureuils, apprend la mort violente de son amie Joan, handicapée, mais loup-garou elle aussi (louve-garou ?). Il engage alors une de ses connaissances, Randi, pour mener l'enquête. Mais la détective privée a un lourd secret : son père policier a été mutilé par une bête féroce sur laquelle il a vidé son chargeur sans succès…
Skin Trade est un pulp (ce que n'a visiblement pas bien compris la traductrice), un pulp sincère, malin, plein de clichés contournés, assumés, détournés. Comme dit précédemment, cette lecture ne tient pas des masses d’un point de vue scénaristique, mais qu’importe, on se laisse prendre par l'aventure qui évoque un classique du genre : le sous-estimé Wolfen de Whitley Strieber (auteur qui n'a pas écrit que des idioties sur les enlèvements extraterrestres). Skin Trade aurait pu être un bon roman de série B. Allons plus loin : ça aurait dû être un vrai roman. En l'état, ce n'est qu'un chouette divertissement inabouti.
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Haviland Tuf est un monstre. Du moins par son apparence physique : deux mètres cinquante, obèse, albinos, chauve et glabre. Il ne se sépare jamais de ses chats. Rusé et madré, doté d’un intellect supérieur, il s’exprime toujours avec préciosité, non sans une bonne dose d’humour pince-sans-rire. Et parce qu’il détient l’Arche, un vaisseau de trente kilomètres de long et mille ans d’âge susceptible de modifier (voire de détruire) un écosystème planétaire grâce aux myriades d’espèces dont il emporte des cultures cellulaires que Tuf peut cloner, élever et manipuler à volonté, il possède aussi une puissance quasi-divine.
Chaque « chapitre » de ce roman est en fait une nouvelle ou un récit qui permet de suivre ce personnage au long de sa nouvelle carrière. En effet, quand on fait sa connaissance, Tuf, à bord de son Corne d’abondance d’excellentes marchandises à bas prix, n’est qu’un négociant interstellaire itinérant dont les revers de fortune le poussent à convoyer un groupe disparate (des chercheurs, un androïde, des mercenaires) qui compte s’emparer d’une épave mythique. Bien sûr, ces alliés de circonstance ont tous leur idée de ce qu’il conviendrait d’en faire : sur place, les conflits d’intérêt vont s’exacerber, à tel point que Tuf, bien qu’en apparence peu armé pour l’emporter, va hériter du butin, l’Arche, plus ou moins en ordre de marche.
Dès lors, il se bombarde « ingénieur écologue » et voyage d’un système à l’autre pour proposer ses services et tirer son épingle financière du jeu. Il devra débrouiller diverses situations épineuses, d’autant plus que ses objectifs ne vont pas toujours dans le sens des missions qu’on lui confie, et surtout résoudre, au fil de trois « stations » dans son pèlerinage, le double problème que pose S’uthlam, une planète affligée d’un souci récurrent de surpopulation et auprès de laquelle il a contracté une énorme dette afin de faire réparer son nouveau vaisseau.
Tuf a accompagné George R. R. Martin pendant une dizaine d’années — les textes qui composent le livre ont paru de 1976 à 1985, pour l’essentiel dans Analog. Il s’agit d’un des pendants les plus clairement vancéens de son œuvre : au-delà de la couleur locale, de la nature du protagoniste, du style des dialogues et du caractère épisodique de la narration, l’auteur infuse dans ces aventures un certain nombre de considérations (sur la cruauté gratuite, le rôle de la religion, la responsabilité personnelle), si bien qu’on se retrouve dans une vraie fable dont les ressorts mythiques sont constamment soulignés par de nombreuses allusions bibliques. Signalons que Martin semble assez mécréant, d’ailleurs…
Outre l’ingéniosité et le caractère alerte des récits, malgré un côté un peu répétitif par instants (le seul vrai défaut de ce livre, dû en partie à sa conception), il convient de noter leur noirceur sous-jacente, qui va croissant, jusqu’à une fin plutôt sombre. C’est dire que les habitués, par exemple, du Trône de fer, ne devraient pas, malgré la différence de genres, se retrouver en terre inconnue. Et voyons : un personnage à l’aspect « différent », forcé de recourir à la ruse plus qu’à la force brute, poussé par le sort et par ses propres machi-nations vers une position de pouvoir cependant fragile, pouvoir dont il use pour le « bien » dans un univers chaotique menacé par la guerre, ça ne vous rappelle vraiment rien ? Oui, Haviland Tuf — sous ses dehors de Blofeld, l’ennemi de James Bond — est bien un cousin lointain de Tyrion Lannister…
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Années 80. Jamie Lynch, impresario-phare et sans scrupule des années 70, est retrouvé chez lui, le cœur arraché, étendu sur une affiche du Nazgûl. La scène rappelle une chanson de ce groupe mythique, qu’interprétait Hobbit, le leader, lorsqu’il s’est fait descendre en 1971, lors du concert de West Mesa. Sandy Blair, ex-contestataire devenu romancier insatisfait, est contacté par le magazine Hedgehog afin d’écrire un article. Sandy a été viré du Hog en 1976, quand la revue underground a dégénéré en publication branchouille. L’auteur accepte, motivé par une curiosité portant à la fois sur le meurtre et le devenir de sa génération, y voyant aussi la possibilité d’écrire « un roman inspiré de la réalité, comme De sang-froid ». Blair embarque à bord de sa superbe Mazda afin de retrouver Gopher, Di Maggio et Faxon, les membres survivants du Nazgûl. Très vite, cette recherche se double d’une quête personnelle, puisque Sandy va croiser ses anciens compagnons de lutte qui, comme lui, ont subi les effets du temps. Entre l’enquête factuelle, les réminiscences nostalgiques et la lucidité au goût amer, le journaliste va très vite comprendre qu’Edan Morse, millionnaire qui jadis finançait de dangereux groupuscules révolutionnaires sous divers pseudonymes, cherche à reformer le Nazgûl au complet.
Initialement paru en 1983, réédité aujourd’hui sous une couverture efficace de Clément Chassagnard, Armageddon Rag est tout sauf un roman nostalgique que l’on rangerait dans une armoire en bois de santal, posé sur une blouse indienne parfumée au patchouli. Si son thème apparent est, pour faire simple, le Flower Power, il ne pouvait être écrit qu’en pleine ère Reagan. Décennie qui a véritablement changé le monde puisqu’elle a instauré pour longtemps l’ère de l’ultralibéralisme. Il y a bien eu victoire de l’Amérique, seulement ce n’est pas celle que d’aucuns préparaient / espéraient. Les pages 211 et suivantes dressent ainsi un constat froid et argumenté d’une génération pour qui tout et trop souriait : « Les années soixante ? Nous étions à côté de nos pompes, des enfants gâtés qui parlaient à tort et à travers, sans rien savoir sur le monde et la façon dont il fonctionne. » Et parce qu’il n’est pas englué dans une mièvrerie nostalghippique, coincé dans la bulle du Yesterday, le roman taille aussi un costume, à épaulettes et manches relevées, aux années 80. A ce titre, Le Dernier magicien de Megan Lindholm, publié trois ans plus tard, parvient exactement aux mêmes effets dans sa description du paupérisme de Seattle et des séquelles du Viêt-Nam. Là où, par contre, des fictions proches formellement d’Armageddon Rag, comme « Whatever » de Richard Christian Matheson, publié dans son recueil Dystopia, ou « Planet of Sound » de Laurent Queyssi et Jim Dedieu paru dans Comme un automate dément programmé à la mi-temps, offrent un rendu séduisant, mais sans véritable objet.
En effet, George R. R. Martin se refuse à décrire une simple forme, quelle qu’en soit sa séduction. Deux détails que l’on pourrait tenir pour secondaires dans la narration illustrent parfaitement cette approche. Tout d’abord la Mazda du héros, à la carrosserie passée au polish, qui acquiert une identité au fur et à mesure que le bordel de boîtiers à cassettes et d’emballages de nourriture envahit l’intérieur. L’automobile devient alors DayDream, compagne d’une road-story. Et puis le triste devenir du magazine Hedgehog, anciennement revue de contre-culture qui s’est transformé en papier toilette glacé, à l’image des bien réels Interview et Rolling Stone. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que l’un de leurs rejetons à peine viable, Chronic’Art, ait vomi le roman de Martin. Le romancier parle pour dire le rien d’une époque, quand le mag’ tendance franchouille parle pour ne rien dire, et quelque part le sait. La crise qu’évoque Armageddon Rag ne touche ainsi pas les seuls Américains. De nos jours, Warren Ellis parvient à la même conclusion dans Artères souterraines, roman moyen mais qui affirme avec justesse qu’il n’y a plus d’underground possible, de contre-culture puisque tout est donné, à plat et dans le plus complet relativisme, sur le Net. Ou, pour le dire avec Martin : « Sandy avait su autrefois différencier les bons des méchants. A présent, tous étaient identiques à ses yeux. »
Cela, pour l’analyse. Mais il y a aussi l’énergie pure qui monte au fil de la lecture, jusqu’aux explosions des deux derniers concerts, décrits chacun sur plus de vingt pages, aux débordements évoquant le théâtre grec antique, qui nécessitait l’intervention des rhabdouques, service d’ordre de l’époque. Les scènes de public déchaîné annoncent la fureur du Trône de fer.
Une légère réserve toutefois concernant la traduction de Jean-Pierre Pugi. Page 173 : « à se taper le derrière par terre » sonne tout de même très pudibond au vu des protagonistes. Et, plus ennuyeux parfois, le renvoi en notes de bas de page qui paraît arbitraire, précisant des points qui ne le méritent pas vraiment, mais oubliant que, page 332, lorsque Sandy interpelle Gort d’un « Klaatu borada nikto », il est fait référence à l’injonction adressée au robot Gort dans Le Jour où la terre s’arrêta, film de Robert Wise (1951). Disons que la traduction est tout à fait recevable, mais nous fait parfois regretter l’approche de Jean Bonnefoy.
Armageddon Rag prouve de façon brillante, comme seuls quelques rares romans y parviennent, que la fiction littéraire exprime parfois plus fidèlement le réel que des essais à prétention objective. On ne croit pas aux morceaux des Nazgûl, on sait que l’on a rangé leurs albums quelque part.