Jean-Guillaume LANUQUE, Philippe VIDELIER, Morgane GUILHEM, Marc DANRÉMONT, Lucie HEILIGENSTEIN, Pierre GÉVART, Jean-Louis TRUDEL, ABRAXAS, Maël GARNOTEL, Jérémie PÉRIN, Fabien CLAVEL, Louise JANIN, Nagan LENEC, Martin ZEUGMA, Sylwen NORDEN, Louis-
LA CLEF D'ARGENT
374pp - 19,00 €
À l’occasion du cent-cinquantenaire de la Commune insurrectionnelle de Paris, Histoire et littératures de l’Imaginaire entrent en résonance avec le désir d’utopie exprimé lors de cet événement historique. Si elle fut à n’en pas douter le théâtre d’une tragédie funeste, la Commune est également l’objet d’une passion franco-française dont le retentissement a marqué durablement les mémoires du socialisme international, au point d’en devenir un marqueur fort durant des décennies, avant de se voir ravir la première place par la révolution bolchevique.
La littérature ne pouvait évidemment pas faire l’impasse sur les perspectives romanesques de l’événement, y compris dans l’Imaginaire où l’utopie des communeux a également infusé, mettant à profit le fameux « Et si ? » spéculatif tant prisé par les amateurs de science-fiction et d’uchronie. On renverra les curieux vers le cycle des « Futurs mystères de Paris », de Roland C. Wagner, ou vers La Lune seule le sait, de Johan Heliot, pour ne citer de mémoire que ces deux références. La présente anthologie en propose une nouvelle déclinaison en dix-huit textes qui, s’ils ne suscitent pas tous l’enthousiasme, voire même un embryon d’émotion, n’en demeurent pas moins une tentative honorable de rendre hommage à cet épisode de l’histoire de France et de la mémoire populaire.
Paradoxalement, ce sont les préface et présentation de Philippe Videlier et Jean-Guillaume Lanuque qui retiennent l’attention, les textes rassemblés ne présentant pas toujours un intérêt incontestable. Selon les goûts des uns et des autres, on appréciera ou pas les propositions des auteurs, s’agaçant de voir l’événement réduit exclusivement à la « Semaine sanglante » et à quelques figures historiques majeures. Mais c’est surtout le peuple qui pointe aux abonnés absents, un comble pour un épisode où il se fait le principal acteur de son histoire…
Entre science-fiction, fantasy, fantastique et uchronie, on croise ainsi la route de Louise Michel, la « Vierge rouge » de la Commune, mais aussi d’Arthur Rimbaud, Jules Allix, militant socialiste et féministe, expérimentateur d’une méthode de communication mettant à profit les supposés liens télépathiques entre les escargots, Louis Rossel, le hussard rouge de la République sociale, et bien entendu Adolphe Thiers, leur Némésis à tous. On côtoie également quelques créatures issues de l’imaginaire, le comte de Maldoror retranché dans un palais du Louvre transformé en antre du Mal, des dragons, des zombies, un alchimiste immortel et tout le petit peuple de la féerie assemblé en embuscade. En dépit des promesses, on reste hélas dubitatif, partagé entre l’envie d’y croire et l’impression que tout cela est très sage, voire un tantinet terne, l’utopie demeurant dans un angle mort de l’anthologie, à quelques exceptions près.
Des dix-huit textes inscrits au sommaire, on n’en retient finalement qu’une poignée. « 1871 - Je suis de ce parti dangereux qui fait grâce », de Fabien Clavel, reprend ainsi le personnage d’Anatole Ragon, le protagoniste de Feuillets de cuivre (critique in Bifrost n° 81) nous embarquant dans une enquête alchimique qui voit les rêves d’immortalité des uns et des autres s’envoler en fumée. En lisant « Rosa », de Marc Danrémont, on cherche à discerner le vrai du faux dans un jeu de dupes entre IA batailleuses. On frémit d’effroi devant les visions surréelles d’Abraxas, « Le Sang des cerises » nourrissant cependant encore l’espoir de lendemains qui chantent, en dépit de la tristesse et du deuil. On frissonne devant le futur dystopique dépeint par Maël Garnotel dans « Un crachat rouge et noir », la lutte des classes s’y poursuivant encore et toujours malgré l’épuisement des ressources. Heureusement, on s’amuse beaucoup des univers parallèles avec « Adolphe mon amour », de Nagan Lenec, espérant voir tous les possibles du multivers s’effondrer en une seule réalité socialiste. De son côté, « En commun », de Martin Zeugma, nous émeut d’une variation douce-amère autour du paradoxe du grand-père. Enfin « Le Hussard rouge », de Louis-Xavier Pérez, revisite le personnage historique de Louis Rossel à l’aune d’une uchronie dynamique et revigorante, où la République sociale finit par triompher de la réaction et des Prussiens.
Si À l’assaut du ciel ne tient pas toutes les promesses esquissées par un paratexte stimulant, l’anthologie n’est pas non plus une déception complète. Sept textes retiennent ainsi véritablement l’attention. Bien peu pour en faire un incontournable, sans doute, mais pas au point de remiser l’ouvrage dans les poubelles de l’Histoire (comme dirait l’autre)… ou d’ailleurs.