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Les critiques de Bifrost

À lire à ton réveil

Robert Jackson BENNETT
LE BÉLIAL'
112pp - 11,90 €

Critique parue en juillet 2025 dans Bifrost n° 119

Automne 1949. Printemps 1950.

Quelques mois, racontés à travers les lettres d’un jeune Anglais à son amant malade.

Exilé en France à cause de ses dettes, James a acheté un bout de terrain en Lorraine. Mais pas n’importe quel terrain : celui sur lequel se trouvent les ruines d’une abbaye ancienne, Anperde, si ancienne qu’elle remonterait, selon lui, aux origines du christianisme. Et le voilà qui creuse, qui gratte, jour après jour, en bon historien de Cambridge, pour dégager les pierres qui lui rendront sa richesse, croit-il.

Curieusement, plus son travail avance, plus le bâtiment semble se réveiller, pierres après murs escaliers après cryptes, plus profond que le jeune archéologue amateur n’aurait pu le deviner… Et des choses incongrues commencent à se passer dans cet endroit étrange « qui joue des tours au cerveau », dans cette forêt et cette demeure où il est si isolé…

À travers ses lettres de plus en plus perplexes, puis fiévreuses, obsessionnelles, et enfin… déterminées, on suit la lente descente dans d’autres temps, d’autres mythes, d’autres folies de cet homme dont les doigts pleins de terre « parcourent d’un frôlement les époques disparues ».

Bennett joue avec la métaphore du terrier d’Alice, en y faisant vibrer avec finesse le sombre doute fantastique si cher à Poe, Maupassant, Lynch et Frost. Évidemment, la vérité, que James essaie de trouver dans son pays des merveilles, sera ailleurs. Car si l’auteur s’amuse, tel un chat du Cheshire lovecraftien, avec le temps de vie et l’amour de son personnage, faisant trembler sa raison, souris égarée dans la solitude, il s’amuse aussi avec les lecteurs et lectrices, en distillant des détails infimes et presque invisibles à première lecture, en courbant les barrières du récit pour créer ce léger malaise addictif. Il réussit ainsi à nous emmener sur son terrain de jeux d’une histoire en apparence classique, mais qui dissimule une modernité atemporelle. C’est poétique, cruel ça déclenche quelques frissons, et surtout, ça fonctionne ! À tel point qu’on s’y réenfouit, pour creuser encore, et encore, pour essayer de traduire les écritures, de faire tomber les masques, en oubliant le temps.

À lire à votre réveil, plutôt qu’avant d’aller dormir…

 

Maëlle ALAN

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