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Les critiques de Bifrost

Accelerando

Accelerando

Charles STROSS
PIRANHA
23,90 €

Bifrost n° 113

Critique parue en janvier 2024 dans Bifrost n° 113

Pour qui s’interrogerait quant à la signification du titre du « roman » qui nous intéresse ici, point n’est forcément besoin d’en faire la lecture, du moins de sa partie proprement narrative. Il suffira de consulter la première entrée du glossaire de presque cinquante pages inclus dans l’édition française d’Accelerando. Ledit article, intitulé « Accelerationista », nous apprend que l’on désigne ainsi les tenants de « l’accélération, à savoir l’acceptation par l’homme d’une transition globale de l’autre côté de la singularité* ». L’astérisque couronnant ce dernier terme invite alors à aller consulter, une quarantaine de pages plus loin, une seconde entrée. Elle explique que singularité désigne ici « un changement de paradigme social/économique/technologique qui voit s’infléchir à la verticale une courbe exponentielle d’évolution ». Notons encore que cette définition renvoie elle-même, avec force autres astérisques, à celles concernant « Hans Moravec », « Ray Kurzweill », le « Transhumanisme » ainsi que l’« Université de la Singularité ». Et ce ne sont là que quelques-uns des cent soixante-cinq articles que compile ce glossaire conclusif de la version hexagonale d’Accelerando. Car c’est à son traducteur français, Jean Bonnefoy, et non pas à Charles Stross lui-même que l’on en doit la présence, l’édition originale en étant apparemment dépourvue.

Loin d’être anecdotique, cet ajout d’un quasi-dictionnaire au « roman » qu’est Accelerando permet aussi bien de comprendre les intentions ayant guidé son auteur que les raisons de son échec littéraire. Quant aux premières, il est ainsi manifeste que l’écrivain a caressé l’ambition de décliner sous une forme fictive un considérable corpus théorique et dans lequel l’IA occupe une place centrale. Accelerando spécule en effet sur un développement futur tel de celle-ci qu’elle parvient in fine à supplanter l’humaine intelligence, réussissant même à recomposer le système solaire selon ses propres et technologiques attendus… Ce n’est cependant là que le résumé tout à fait expéditif d’un récit courant sur plus de sept cents pages et détaillant à l’envi la genèse (plus ou moins) directe de l’artificiel « cerveau Matriochka » reléguant le genre humain au rang d’espèce subalterne…

Sans doute intellectuellement impressionnant du fait de sa luxuriance référentielle (du moins d’un point de vue non scientifique, tel celui de l’auteur de cette critique…), Accelerando échoue en revanche à faire œuvre de littérature. Le lâche agrégat de neuf nouvelles qu’est en réalité ce faux roman n’accouche que d’un semblant d’histoire tout en raccords artificieux. Pesamment lassant (pour dire le moins…), Accelerando fait montre d’une écriture aussi pondéreuse, oscillant dangereusement entre humour grassement potache et name-dropping façon hard SF

Pierre CHARREL

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