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Les critiques de Bifrost

AD Noctum

Ludovic LAMARQUE, Pierre PORTRAIT
DENOËL
320pp - 20,50 €

Critique parue en avril 2012 dans Bifrost n° 66

La collection « Lunes d’encre » accueille peu d’auteurs français, et encore moins de premiers romans francophones — on remontera en 2008 et aux Tours de Samarante de Norbert Merjagnan pour en trouver un. Aussi, lorsqu’il nous en est proposé un, convient-il d’y prêter attention. Quoique, du côté de la forme, plutôt qu’à un roman, on est ici plus proche du CLEER de L. L. Kloetzer, avec ce fix-up composé de neuf récits.

AD Noctum : les majuscules sont significatives, car c’est bien sous l’angle de la génétique que sont abordées ces « Chroniques de Genikor ». Et sous-tendant ces dernières, il y a un slogan : « Rappelons-nous : chaque jour, nous donnons la vie. »

Ce nous, c’est Genikor, multinationale tentaculaire spécialisée dans l’ingénierie génétique et ayant solution à tout. Pour un conflit, Genikor propose des chimères qui s’attaqueront seulement à l’ennemi, capables de le reconnaitre via son génome. A destination de ceux qui s’ennuient, Genikor fournit un gibier de premier choix, à chasser lors de safaris bien particuliers. Et pour ceux en manque d’affection, Genikor vend des sex-toys huma-noïdes tout entier dévolus à la satisfaction de vos moindres désirs.

Derrière Genikor, c’est tout un futur qui s’esquisse, et pas le plus rose qui soit. Qu’on en juge : une guerre entre les Etats-Unis et la Chine ; une nature dévastée qui pousse la plupart des humains à se réfugier dans des cités-dômes ; une entreprise omniprésente ; un monde où l’on trompe son mal-être avec des créatures artificielles plutôt qu’avec son prochain ou sa propre progéniture. Seul l’ultime texte du recueil, « Mes aïeuls », viendra détromper, juste un peu, ce désolant état de fait. Si cela n’a rien d’infâmant, on peut déplorer qu’on reste toujours dans des terrains déjà explorés par Silverberg en son temps.

Les nouvelles sont indépendantes entre elles, et seule Genikor, la toile de fond, et quelques personnages, permettent de les relier. « FTA » introduit le recueil, présentant un effet secondaire aussi inattendu que regrettable de l’utilisation de chimères dans la guerre sino-américaine. « OK » traite de la même guerre sous la forme d’un étonnant journal à rebours. Quant au « Cri de la chair », la nouvelle se présente comme un échange épistolaire entre deux amoureux d’un genre particulier qui ne peuvent se rencontrer. Avec « Sexus Machina », elle fait partie des textes les plus réussis d’AD Noctum — l’une et l’autre abordant le thème des androïdes de plaisir d’une manière qui fait mouche. Il reste dommage que l’ensemble ne mène pas à grand-chose. On se rapproche peu à peu de Genikor, sans véritable progression dramatique, ce que l’on peut regretter.

Si la qualité des textes est assez inégale, l’ensemble est néanmoins de bonne tenue et fait de AD Noctum un premier livre des plus recommandables, aussi attendra-t-on avec curiosité les deux autres volets de ce qui s’annonce comme un triptyque.

Erwann PERCHOC

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