William GIBSON
AU DIABLE VAUVERT
480pp - 22,00 €
Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104
Pour parler d’Agency, dernier roman en date de William Gibson, on pourrait reprendre la critique de Périphériques (cf. Bifrost 96) en y apportant les changements les plus minimes, même si ce nouveau roman s’inscrivant dans la nouvelle trilogie du pape du cyberpunk ne constitue pas à proprement parler la suite de Périphériques. Le premier tome présentait deux lignes temporelles : l’une située à notre époque, l’autre au milieu du XXIIe siècle, après le Jackpot – un ensemble d’événements cataclysmiques ayant éradiqué 80 % de la population mondiale, doublé de la mise au point d’une technologie permettant d’entrer en contact avec des passés divergents. Narré à hauteur de ses personnages, Périphériques constituait moins un thriller qu’un catalogue d’inventions futuristes mises en situation (en tout premier lieu les périphériques, ces androïdes permettant d’accueillir une conscience venue d’un univers divergent), porté par une trame étique.
On retrouve dans Agency l’un des deux protagonistes du premier tome, Wilf Netherton, cet attaché de presse vivant dans un Londres distant de nous de 70 ans dans le futur – un autre futur que le nôtre. L’autre trame du roman se déroule en 2017, dans un monde qui aurait pu être le nôtre si Hilary Clinton avait gagné l’élection présidentielle américaine l’année d’avant. On y suit Verity Jane, bêta-testeuse professionnelle. Engagée pour tester un assistant personnel, répondant au petit nom de Eunice, Verity va bien vite comprendre que le logiciel est plus performant que prévu. Après quelques jours de bêta-test, Eunice enjoint à Verity de se méfier de ses employeurs… avant de disparaître et que la situation vire au vinaigre pour l’héroïne, sans compter que des périls encore plus grands se profilent.
Bien qu’un peu plus accessible que Périphériques (forcément, le lecteur connaît désormais les bases), Agency n’offre toutefois que peu de prises, Gibson demeurant chiche en informations contextuelles. L’auteur continue d’explorer les modalités de ses inventions, en tout premier lieu les périphériques. Au cours d’un récit faisant la part belle à l’action dans sa deuxième moitié, le roman questionne au passage la capacité d’agir de ses protagonistes (l’agency du titre), ceux faits de chair et de sang étant ballotés sans trop comprendre les événements – comme le lecteur –, là où les IA s’en tirent potentiellement mieux. Il est possible de se laisser embarquer ou bien, comme le chroniqueur, de rester sur le bord du chemin.