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Les critiques de Bifrost

AIR

AIR

Bertil SCALI, Raphaël DE ANDREIS
MICHEL LAFON
17,95 €

Bifrost n° 97

Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97

AIR n’est pas un livre de science-fiction mais un livre de propagande écologiste !

On a droit à un discours de Greta Thunberg, à l’encyclique du pape « Laudato si » et aux consignes ridicules de Greenpeace, paraphrasant ma mère qui ne sait ce que veut dire « Écologie » mais est pleine du bon sens du pauvre.

Certes, le roman se passe bien dans un futur proche, entre 2027 et 2040. Une présidente écologiste a été élue face à une candidate nationaliste. Un général pro-nucléaire, ancien des guerres AREVA en Afrique de l’ouest (vive la pollution durable !) et intégriste catholique a été nommé premier ministre. Par référendum, ils modifient la constitution et instituent un fascisme vert. Abolition des libertés fondamentales et de l’état de droit. Chaque page du roman est exclusivement consacrée à nous dire que c’est absolument INDISPENSABLE, INÉVITABLE et surtout vraiment très CHOUETTE. Le bonheur est dans le pré camp de travail. « Arbeit macht frei », n’oublions pas…

Après le coup d’État, le nouveau gouvernement, chlorofasciste mais fort peu radical en matière d’écologie, impose des mesures draconiennes : privation de la liberté de circuler, entassement des gens à raison d’une famille par pièce pour économiser le chauffage, presse aux ordres (!), limitation de l’usage d’internet à quinze minutes par jour (?!?!?!), suppression de l’éclairage public, rationnement alimentaire drastique, réduction extrême de la consommation de viande, embrigadement de la jeunesse et délation par les enfants encouragée, pogroms et quasi-relaxe des assassins écolo, déportation de masse dans les goulags vert, contrôle des données contenues dans les portables (qui servent à quoi ?) et sanctions. Mais surtout, incrimination rétroactive, poursuites et condamnations pour des faits parfaitement légaux à l’époque où ont eu lieu mais criminalisés a posteriori par la dictature, comme avoir voyagé à l’étranger ou posséder un véhicule de collection… Ces condamnations n’améliorent évidement en rien la balance carbone.

Le personnage principal, Samuel Bourget, dont AIR représente le journal ou l’autobiographie des années de dictature, est un cadre directeur subalterne d’une boîte de recyclage de pneus ayant fraudé. Lorsque le scandale éclate, il prend alors la fuite avec sa famille vers la réserve de l’Aubrac, où ils ont une maison, à l’abri de la dictature – sans que l’on sache pourquoi. À vrai dire, le roman ne consiste qu’un tissu de contradiction. On ne comprend pas pourquoi son écologiste fanatique de fille suit son « criminel » de père en Auvergne, pas plus que pourquoi sa femme qui le cocufie avec son chef le suit aussi plutôt que de changer d’homme. Pourquoi la gendarmerie locale les protège en les sachant traqués par les « gardes verts » comme la Chine connut ses Gardes Rouges. Pourquoi les gens du cru, plutôt écolo-ruraux, acceptent ces « délinquants » sur leurs bien pauvres terres ? Ils s’adaptent à la vie locale.

Les auteurs ne tarissent pas d’éloges sur cette vie absolument paradisiaque. « La matinée a été un émerveillement » p.159 ; « Le garde-manger ressemblait à une vitrine de chez Louis Vuitton. Chaque victuaille rayonnait telle une œuvre d’art  » p.158. Etc. En Aubrac, on se chauffe au bois (comme si parce que c’est primitif c’était forcément écolo !) et on fait mijoter des plats de viande quatre heures durant (super écolo). Il fallait bien « mettre fin à la fabrique de la délinquance écologique qui n’était rien d’autre que la famille épicurienne et consumériste  » p. 186. Le gamin va au catéchisme et devient un doux fou de Dieu, très pieu… ce qui conduit le père à confesse chez un curé qui le vend illico aux gardes verts. De là découle de plusieurs longues citations de l’encyclique « Laudato si » du pape François sur la « sauvegarde de la maison commune » (sic). Le confort matériel ayant permis de délaisser la religion, les écolos doivent donc restaurer l’enfer pour le faire accepter sur terre. Le terme même d’écologie, en tant que discours de l’équilibre, est une hérésie, les êtres vivants étant des structures dissipatives, c’est à dire consommant de l’énergie pour se maintenir. C’est une religion, une croyance créationniste, faisant fi de Darwin et de l’évolution, qui se veut à jamais statique à l’image de ce que Dieu aurait créé – involutive.

Le roman n’est pas avare en perles. La dictature a réduit l’usage d’internet à quinze minutes par jour, privé et professionnel, téléphone inclus. Du coup, un médecin urgentiste d’astreinte à domicile n’a pu être joint et le patient est crevé (C’est le mot). Quinze minutes, c’est ridicule. Cela entrainera la faillite d’internet, la perte de pétaoctets de data et l’effondrement du système global d’information, dont le système bancaire. Une panne globale d’internet est le risque majeur encouru par nos sociétés qui s’écrouleraient alors en quelques jours… Et maintenant, le clou : les auteurs écrivent que la face cachée de la lune est glaciale parce que jamais exposée au soleil, ignorant que si la lune présente toujours la même face à la Terre, elle est entièrement éclairée par le soleil au cours de sa rotation. Ils ignorent aussi qu’on ne peut communiquer par radio avec la face cachée de la lune sans disposer d’un relais. Et ça vous parle de sauver la planète…

À la fin du roman, après trois ans de dictature, les dictateurs corrompus sont renversés, la démocratie rétablie, la planète est sauvée mais on a gardé toute leur géniale politique écologique. Exactement comme si, le 8 mai 45, après la capitulation de l’Allemagne et la mort d’Hitler, on avait continué à exterminer les Juifs… Aucune mesure économique novatrice n’est proposée. Seuls les mécanismes aujourd’hui mis en œuvre par un capitalisme jamais remis en cause continuent d’être utilisés valant pour ce qu’ils valent. Aucune innovation technologique non plus. Rien, par exemple, sur l’inflation démographique… (1500 milliards de Français dans deux mille ans aux 0,5% de croissance actuelle !)

Dire que la narration est très faible relève de l’aphorisme le plus achevé. Le but de ce livre est d’inciter les écolo-gnostiques à appeler la dictature de leurs vœux, affirmant que ce ne serait ni grave, ni terrible et ne durerait guère… Que ce serait indispensable et inévitable. Que ce serait bien.

Air est un mauvais livre, mal écrit, mal construit, perclus d’incohérences et en plus, dangereux.

Jean-Pierre LION

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